Si, comme guidé.e par le destin lui-même, votre détermination était sans faille dans les premières heures de votre ascension, vous commencez à admettre qu'il est difficile de ne pas faiblir. Chacun des muscles de votre corps crie au supplice et vous rappelle les centaines de mètres que vous avez déjà gravi. Et pourtant... Si le sol de la plaine, maintenant bien loin de vous, commence lui-même à devenir difficile à discerner à cette hauteur il vous reste toujours impossible de ne serait-ce qu'apercevoir le sommet de l'arbre... Ou la moindre branche principale.
Vous en arriveriez presque à douter de l'existence même de cet endroit, parfaitement impossible selon n'importe quelle règle logique. Sans même parler de la taille du végétal en lui-même ; y a-t-il seulement un endroit sur terre suffisamment grand pour qu'il s'y trouve ? Il semble plus probable que vous aillez fini par faiblir et que vous soyez actuellement effondré à même la glace d'un des tunnels de Niflhel, en plein délire. D'une blessure ou peut-être d'hypothermie, l'obscurité du glacier faisant sienne la vie qui vous échappe lentement.
Et pourtant... Et pourtant, vous continuez votre éternelle ascension. Pourquoi ? Aucune idée. Mais avez-vous vraiment le moindre autre choix, maintenant ? Et même si cette vallée est votre tombeau, cet arbre vos propres limbes personnelles, quelle autre direction s'offre à vous ?
C'est seulement alors que vous remarquez quelque chose. Trop préoccupé, dans un premier temps par l'étrange envoûtement qui vous a mené jusqu'à ses racines, dans un second temps par vos réflexions macabres et l’âpreté de votre escalade, vous n'y avez pas vraiment prêté attention. Mais en posant le regard devant l'interminable bassin qui s'étend devant vos yeux, une particularité vous saute alors aux yeux. C'est comme si la vie elle-même s'était concentrée autour de l'arbre... Ou non, plutôt comme si elle s'en libérait ? Aussi bien la faune miraculeuse que la flore prométhéenne, c'est comme si toute la lande prenait sa source à ce point précis. La vie elle-même coulant dans sa sève, jusqu'à ses racines d'où elle s’épand jusqu'à perte de vue.
S'agirait-il là du secret de cette nature perdue ? Tout ce qui vous entoure semble alors s'illuminer sous une autre lumière. La musique perpétuelle que produisent les innombrables animaux qui sont venus installer leurs nids dans les replis noueux de l'arbre prend une toute nouvelle perspective. Le bois Drasil n'est pas symbole de votre mort; il est la vie.
Et après une courte pause, c'est avec un long soupir que vous reprenez votre progression vers son invisible constellation de branches d'où semble s'écouler les secrets même de l'existence.
Car après tout qui n'a jamais rêvé d'en trouver la source ?