Old Papers (1/2) [mod]

La route qui menait à Wheelfield avait l’avantage d’être assez bien entretenue, probablement car elle charriait une grande partie du commerce nord-américain. En moto, Cobalt ne mit qu’une poignée d’heures à arriver dans la ville. C’était la première fois qu’elle y venait et cela lui procurait une impression étrange. C’était Wheelfield, après tout, qui l’avait poussée à quitter le confort de la Bulle pour s’aventurer dans l’ouest américain. C’était Wheelfield qui possédait toutes les technologies dont elle avait besoin. Et surtout, c’était Wheelfield qui détenait les secrets dont elle rêvait la nuit. Les secrets de la Mère de Métal. La vérité derrière l’Apocalypse. Ou tout du moins c’était ce qu’elle pensait. Car au fond, à part quelques petits trips sous weed, Cobalt n’avait guère plus d’informations sur ce qui l’attendait vraiment dans les ruines sous Wheelfield. S’il y avait des ruines. Rien ne garantissait qu’elle trouve ce qu’elle cherchait : elle ne connaissait pratiquement rien de la ville-éolienne, comme on l’appelait dans le sud. Elle avait tout à découvrir.

C'est donc avec un peu de trac et beaucoup de curiosité qu'elle engagea sa moto dans les rues de Wheelfield, cherchant un motel ou crécher pour quelques jours. Si cela ne lui prenait que quelques jours.

Le vent n’était pas très fort ce jour-là ; les éoliennes tournaient au ralenti et le bruit était plus que supportable, ce qui faussa la première impression de Cobalt sur la ville. Elle gara sa moto dans un petit parking attenant au premier motel qu’elle trouva et prit une chambre pour la nuit. Le motel n’était pas vraiment le top du standing mais il satisfaisait son budget, ou plutôt ses économies. Il n’était pas beaucoup plus de midi cependant et elle avait tout le temps du monde pour commencer ses recherches.

Elle commença donc par faire le tour des bars et des restaurants de la ville, tapant la discussion à chaque fois que c’était possible, parlant de l’histoire de la ville, de ses origines, de ses fondations, d’éventuelles ruines trouvables… Rien. Il n’y avait rien. Personne n’avait entendu parler d’un quelconque passé, ou de quoi que ce soit du genre. A la fin de la journée, Cobalt commençait à se demander si elle ne s’était pas trompée, quand elle tomba sur un petit vieux beaucoup plus loquace que les autres.

Il était assis à la terrasse d’un bar et sirotait ce qui était probablement un café allongé, au vu de la couleur, quand il entendit Cobalt parler avec le serveur.

- Vous cherchez des archives d’avant le cataclysme, c’est ça ?

Cobalt hocha la tête, visiblement intéressée.

- Vous n’allez pas trouver ça ici. Wheelfield n’a pas été construite sur les ruines d’une ancienne cité. Je sais que c’est le cas de beaucoup de villes, mais ce n’est pas le cas de Wheelfield.

Cobalt s’assied en face de lui, l’air un peu déçue, et commande elle aussi un café. Le petit vieux continue :

- En revanche, il reste des ruines de l’âge pré-cataclysme. En tout cas quand je me suis installé ici, on en parlait beaucoup. Plus trop maintenant.

- Qu’est-ce qui s’est passé ?

Le vieil homme but un peu de son café en regardant Cobalt, puis :

- Pas grand chose. Vous voyez, il y a des galeries partout dans ce canyon. Bourrées de pokemons dangereux. On racontait qu’il y avait des ruines de l’âge pré-cataclysme dans les tunnel. Mais on n’a jamais rien trouvé.

Le vieil homme avait clairement attiré l’attention de Cobalt. Tous ses sens étaient à présent en alerte ; et sa curiosité était piquée au dernier degré.

- Vous pouvez m’en dire plus ? Vers où les recherches se sont portées, dans quel secteur, et l’origine des rumeurs ?

Le vieil homme rigola.

- Ola, ola. Je ne sais pas tout ça, jeune femme. Vous devriez y aller par vous même. Ce qui est sur, c’est que ce sont des tunnels profonds. Les tunnels principaux, tout le monde les connaît. Mais si on veut descendre plus bas… Il n’y a rien à part des nappes phréatiques, de la mousse et des pokemons plutôt dangereux.

Cobalt hocha la tête.

- Des pokemons dangereux, j’ai l’habitude. Vous me conseilleriez de commencer par quel tunnel pour descendre rapidement ?

- Prenez l’entrée qui est derrière la fabrique d’éolienne. C’est la moins utilisée et celle qui descends le plus vite. Vous pouvez pas la louper.

Cobalt hocha la tête et remercia le vieil homme. La nuit commençait à tomber. Il fallait rentrer au motel et se reposer : demain, elle investiguait.

Le motel était plutôt bien entretenu, tout bien considéré, pour le prix de la chambre, et Cobalt s’écrasa rapidement dans un sommeil plein de rêves étranges. Des rêves de métal. Elle allait percer le secret du métal. Le secret de l’acier. Ses rêves ne la réveillèrent pas avant le matin, tôt, sous le joug de l’aurore. Alors qu’elle clignait des yeux vers le soleil levant, elle crut apercevoir l’oiseau rouge à la fenêtre, qui la regardait bizarrement, d’un air étonné. Mais quand elle se passa les mains sur le visage pour chasser les restes de la nuit, il disparut. A la réflexion, c'était impossible que l'oiseau se trouve ici, pensa Cobalt. Il y avait des centaines de kilomètres entre les deux villes.

Elle prit son petit déjeuner en silence dans le petit salon du motel - un endroit étonnamment charmant -, sortit, et se mit en quête de la grotte qu’elle devait explorer. Le matin colorait le canyon de tons oranges et roses - un léger vent, quasi inexistant pour les standards de la ville, agitait doucement des girouettes et des drapeaux. Des habitants avaient sortis leur linge pour donner une chance au soleil. Cobalt sourit. Ça allait être une bonne journée.

Elle traîna sur les abords de la ville pendant une bonne demie-heure avant de trouver l’entrée dont avait parlé le vieil homme, juste derrière la fabrique d’éoliennes. On pouvait facilement se perdre dans les rues de Wheelfield : la ville s’était construite progressivement contre le flan du canyon, à l’abri du vent, un peu comme ça venait : même les usines avaient parfois pris des formes improbables. Toujours est-il qu’après avoir bien galéré dans le dédale de petits rochers et de pentes caillouteuses, Cobalt était parvenue jusqu’à l’entrée.

Elle s’était engagée dans le boyau, armée uniquement de sa lampe torche, et cherchait dorénavant les boyaux qui se dirigeaient vers le bas. Pas si facile : ils étaient nombreux. Pendant les deux-cent premier mètres, elle ne trouva rien. Le boyau et ceux qui montaient de part et d’autres étaient presque entretenus : on voyait qu’il y avait du passage. De  nos jours, tout le monde était un peu dresseurs, et ce n’est pas les dresseurs qui manquaient quand il s’agissait d’aller attrapper des pokemons dans les entrailles de la terre. Enfin entrailles… Pas trop loin non plus quand même.

Au bout de deux-cent cinquante mètres de boyaux inégaux, elle finit par tomber sur une galerie descendante, qu’elle choisit d’emprunter. Il y avait des petits pokemons qui montraient parfois le coin de leur nez, mais finalement assez peu - pour l’instant, le trajet était plutôt calme. Si il y avait une ruine de la civilisation précédente, il n’y en avait pour le moment aucune trace. Elle affronta bien un ou deux critters, mais rien de transcendant. Ses lézards n’en faisaient qu’une bouchée - littéralement. Les deux petits monstres ne s'étaient pas battus depuis longtemps et avaient hâte d'en découdre. Ils étaient plus aggressifs qu'à l'accoutumée. Surtout Lithium.

Le deuxième boyau qu’elle emprunta après un embranchement n’était pas différent du premier. Les pokemons étaient peut-être un peu plus pierreux, mais sans plus : aucun n’était particulièrement aggressif. Alors qu’elle descendait davantage, elle localisa une petite entrée dans la pierre un peu plus loin. Le coin n’avait pas été visité : des stalagmites et des stalactites barraient le trajet et forçaient Cobalt à se contorsionner pour progresser. Mais quelque chose lui disait qu’il s’agissait du bon chemin, et la suite lui donna raison.

Le premier pokemon qu’elle rencontra, ou plutôt les premiers pokemons qu’elle rencontra étaient des pokemons électriques, et cela voulait tout dire. On croisait rarement des pokemons électriques dans les grottes en règle générale, ou alors c’était des grottes avec des minéraux radioactifs… Ou des installations. Mais quel type d’installation aurait bien pu survivre à des siècles de carnage ? Allait-elle tomber sur une petite pièce comme sous sa maison d’édition, ou sur une installation militaire ? L'excitation commençait à monter, au fur et à mesure qu'elle avançait difficilement en transpirant à grosse goutte.

Pour l’instant, il n’y avait rien. Cobalt parvint à se faufiler entre les stalagmites et stalactites restantes, signes probables qu’un cours d’eau passait quelque part, et déboucha dans un autre boyau qui descendait. Il y avait des signes de fractures sur les bords, laissant penser à un choc de plaques tectoniques - le cataclysme avait profondément changé la surface de Wheelfield. Mais toujours aucun signe d’une quelconque base ou d’anciennes habitations. Elle profita de ce passage pour attrapper des posipis et des negapis afin de compléter son pokedex. Elle les étudierait plus tard.

Elle déboucha bientôt dans un tunnel plus large au centre duquel filait un filet d’eau claire. L’endroit avait du être autrefois un tunnel aménagé, si on se référait à la roche bien découpée et aux restes d’installations électriques. Bingo, pensa Cobalt. C’était clair à présent : elle avait trouvé une ruine de l’ancienne civilisation. Restait à voir si ce boyau menait quelque part, où si tout avait été détruit avec les tremblements de terre et le temps qui passe.

Elle arriva à un croisement : elle avait le choix entre monter ou descendre, aussi elle décida de commencer par descendre, suivant le filet d’eau qui dévalait la pente. Après quarante ou cinquante mètres, elle déboucha dans une galerie haute et large. Au milieu, une véritable rivière se déversait vers une autre salle, plus loin. Un lac souterrain. Pas ce que Cobalt cherchait, mais sa curiosité était piquée. Elle longea la rivière - la place pour passer était réduite - et pénétra dans la grande caverne ou trônait le lac. Un bien beau lac, bien brave, mais absolument pas ce que Cobalt cherchait. Elle inspecta les bords, les corniches, les passages : rien. L’endroit était quasi impraticable : ce n’était qu’une grande nappe phréatique qu’elle ne pouvait ni traverser, ni fouiller. Il n’y avait plus qu’à espérer que les ruines intéressantes ne soient pas englouties en dessous.


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Après s’être assurée qu’il ne restait aucune piste qu’elle n’ait pas fouillée, et après avoir tenté vainement d’apercevoir quelque chose au fond du lac - elle ne possédait pas de pokemon eau dans ceux avec lesquels elle avait l’habitude d’interagir - elle rebroussa chemin et grimpa la pente en sens inverse, s’aidant des occasionnelles stalagmites pour faciliter la montée. L’autre boyau continuait encore sur plus de cent ou cent cinquante mètres : elle aurait probablement plus de chance dans cette direction.

Elle croisa encore des posipi et de negapi par dizaines ; ce genre de petits pokemons électriques étaient assez classiques sur tous les continents, et dans tous les environnements où il y avait des systèmes électriques en état de marche. C’était ce que Cobalt trouvait le plus curieux : “en état de marche”. Comment une ruine pouvait-elle avoir un système électrique en état de marche ? Si une ruine était là depuis des siècles, son système électrique aurait du mourir lui aussi des siècles auparavant. C’était curieux. Peut-être y avait-il surtout des cables et des interrupteurs et toutes ces choses que les pokemons électriques adoraient. Elle allait vite le savoir, dans tous les cas.

Il fallut un moment à Cobalt pour réaliser que toute la lumière ne provenait pas de sa lampe torche. Elle progressait dans un petit boyau depuis bien dix minutes quand elle réalisa que quelque chose éclairait le couloir, loin devant. Elle éteignit sa lampe torche. Oui, il y avait de la lumière. Une sortie ? Ça n’y ressemblait pas. La lumière n’était pas assez forte, ni assez chaleureuse. Était-elle retombée sur un couloir fréquenté ? Probablement. Elle s’approcha davantage.

Son coeur fit un bond. Ce n’était pas un couloir fréquenté. C’était une issue de secours. Et à en juger par la couche de crasse, elle n’avait pas été ouverte depuis très longtemps. Elle avait bien visé. Il y avait des ruines ici. Mais sur quelle électricité fonctionnait-elles ? Pour le savoir, il allait falloir rentrer. La porte n’avait l’air de rien comme ça, mais elle avait survécu à des siècles de petits monstres grattant et griffant. Elle devait être drôlement solide. Ou alors elle n’avait intéressé personne, c’était possible aussi. Pour arriver jusque là, Cobalt avait du prendre un certain nombres d’embranchements, descendre beaucoup, et se faufiler à des endroits improbables. Même les pokemons se faisaient rares.

Cobalt n’allait pas venir à bout de cette porte seule. Il lui fallait un pokemon. Mais lequel ? Zoé avait des attaques tranchantes impressionnantes, mais ça ne suffirait pas pour venir à bout d’une porte pareille. Lithium était une véritable tornade électrique, mais sur du métal ? Puis quelque chose s’alluma dans le cerveau chaotique de Cobalt. Elle avait déjà vécu ça. Coincée sous terre, devant un obstacle infranchissible. Ça lui rappelait les mines de Medgate. L’accident. De son expérience dans les mines, Fossoyeur était un excellent pokemon pour ce genre de tâche. Le Makuhita avait évolué en Hariyama à un moment donné, ce qui le rendait d’autant plus brutal. Elle fouilla dans son sac à la recherche de la pokeball en question. Elle avait beaucoup de pokeballs. La moitié de son sac, c’était des pokeballs. Elles étaient toutes soigneusement numérotées, mais bon, pour trouver la bonne il fallait quand même se lever tôt. Après deux ou trois bonnes minutes à farfouiller, elle finit par retrouver la bonne vieille pokeball de l’Hariyama, et elle l’invoqua. L'Hariyama n'avait pas changé : toujours solide, bien sur ses jambes, près à déplacer des cadavres. Ou à ouvrir des portes.

Hariyama s’approche de la porte, il pose un pied, le second, va-t-il y arriver, il est seul devant cette porte gigantesque, il avance, c’est incroyable, que de rebondissements, il lève son poing derrière lui, il s’apprête à porter un coup féroce, rien ne peut l’en empêcher, rien ne peut l’arrêter, c’est Hariyama le magnifique, FOSSOYEUR le sacré, tout le monde retient son souffle, il est concentré, Cobalt le regarde sans respirer presque, et là, ça y est, IL Y VA, il lance son poing en avant dans une gigantesque vague sonore, la porte chancelle mais ne tombe pas, l’impact a laissé des traces, que va-t-il faire à présent, va-t-il réessayer, le peut-il, a-t-il encore assez d’énergie, OUI, OUI IL Y VA, il réessaye, son poing derrière lui, il est prêt à tout donner à nouveau, c’est le meilleur des Hariyama, il est bien brave, il s’arqueboute cette fois-ci, il prends une profonde inspiration, Cobalt retient à nouveau son souffle, BAM, BAAAAAM, quelle attaque, quelle attaque, quelle incroyable attaque d’Hariyama, une fissure vient de se faire dans la porte, mais déjà il s’apprête à se relancer et rien ne peut l’arrêter, attention, BAAAAAAM, CRAC, la porte arrive au bout de ses gonds, elle va céder, c’est extraordinaire, c’est magique, bravo Hariyama, bravo, CRAAAAAC, il l’a finie !!! Il l’a finie !!! La porte est tombée !!!