New Saigon [mod]

La crique que Someday avait mentionné était bien une crique de contrebande - et Dystopie se demandait où elle avait bien pu apprendre ce genre de choses. Mais c’était tant mieux : elle n’avait plus qu’à trouver un bateau pour Sewari. Et elle découvrit à sa grande surprise que des bateaux pour Sewari, il y en avait plusieurs. Quand elle se renseigna auprès d’une timonière révêche qui supervisait un chargement, elle la toisa de haut et lui dit :

- Ouais gamine. Depuis une semaine, on a beaucoup de commandes pour Saigon.

Dystopie avait levé un sourcil interrogateur.

- Pour Saigon ? Il y a quoi là-bas ?

Elle avait ricanné.

- Jusqu’à récemment, il n’y avait rien. C’est une ville fantôme datant d’avant le cataclysme. Mais maintenant il y a du monde. Et ils payent bien.

Dystopie voyait un peu où ça pouvait aller. Les pièces du puzzle s’agençaient. Jezebel.

- Jezebel, ça vous parle ?

La femme eut un sourire froid.

- Vous voulez quoi ?

Dystopie ne se démonta pas.

- Un voyage pour Saigon. J’ai de quoi payer.

La femme avait juste hoché la tête et pris l'argent, et en moins d'une heure Dystopie était sur un bateau en partance pour Saigon. Intraçable. En tout cas elle l'espérait.

Le trajet s’était déroulé sans encombre, à part quelques attaques de pokemons faibles rapidement repoussés par les dresseurs, dont Dystopie. Dystopie et ses pokemons étaient d’un excellent niveau comparé à la moyenne des dresseurs, et de fait la timonière n’avait pas regretté de l’avoir acceptée à bord.

En se rabattant sur les côtes du Vietnam, le navire avait dévoilé à ses occupants les berges du Mékong, et Dystopie, curieuse, avait posé quelques questions aux hommes qui commençaient à préparer le fret pour sa livraison.

- Tout autour, c’est la jungle de Sewari. Là, c’est l’entrée du Mékong. Et là, c’est l’entrée du Soai. C’est les noms marqués sur les cartes. On les a pas inventés.

Quand elle s’était montrée plus curieuse sur les cartes et sur les habitants de Saigon, personne n’avait plus répondu. Elle était donc toujours dans le flou le plus total sur ce qui l’attendait. Mais elle savait que Sun était probablement quelque part derrière tout ça. Restait à trouver où.

La femme qui supervisait l’arrivée des marchandises s’appelait Natsuki. Une beauté typiquement japonaise qui n’accorda pas un regard à Dystopie. Mais ça risquait de changer si on découvrait qu’elle n’était pas là pour faire affaire ; aussi Dystopie jugea plus sage de s’éclipser. Alors qu’elle s’éloignait discrètement de la zone de débarquement, elle réalisa qu’elle n’avait aucune idée d’où aller. Il allait falloir furetter.

Les ruines de Saigon semblaient s’étendre sur des kilomètres. Dystopie était montée dans les ruines d’un immeuble dont les fenêtres avaient crevé dans toutes les directions, lui permettant de voir jusqu’à l’horizon. Le spectacle était magnifique. Elle avait grandi dans les ruines de Tokyo, aussi elle n’était pas surprise du spectacle ; mais c’était plutôt l’entrelacement de vieilles pierres et de jungle qui donnait au squelette de ville toute sa splendeur. Sun avait-elle vu ce spectacle avant de venir ici ? Etait-elle seulement ici ? C’était un pari risqué qu’avait pris la jeune femme en imaginant que son amie d’enfance était au coeur de tout ce bordel. Son S.I.S. ne marchait toujours pas. Était-elle trop loin des antennes, ou le réseau n’avait-il jamais été réparé ? Impossible de le dire pour l’instant.

Après avoir bien repéré les lieux, elle localisa l’endroit où se déchargeaient les marchandises et l’endroit où elles s’acheminaient. La ville n’était pas habitée, bien entendu : mais l’essentiel de l’activité semblait se diriger vers un moignon de gratte-ciel, le point le plus haut de la ville. Probablement l’endroit où les nouveaux arrivants avaient élu domicile. C’était par là qu’elle devait aller voir.


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La nuit n’allait pas tarder à tomber, aussi elle décida d’attendre. Une heure, deux heures : quand le soleil fut passé derrière l’horizon, elle descendit de son point de vue et se faufila lentement entre les ruines. Les derniers bateaux avec déchargé depuis longtemps et le calme commençait à revenir sur la ville morte. Une ville en sommeil, se dit Dystopie ; un géant qui ne demandait qu’à se réveiller. C’était peut-être ça le rêve de Sun. Elle verrait bien.

Elle approcha le bâtiment avec prudence. Il y avait bien quelques gardes, mais ils n’étaient pas trop difficile à repérer et à contourner. Quelque chose disait à Dystopie qu’ils n’étaient pas là pour garder le bâtiment contre les humains, mais contre les monstres qui rôdaient dans le coin. La jungle de sewari n’était pas réputée pour être un endroit facile à voyager. On était loin, très loin des lieux sécurisés par la Sunrise. D’ailleurs la Sunrise n’avait probablement jamais mis les pieds ici.

Elle n’allait probablement pas essayer de rentrer par la porte principale. Il fallait la jouer fine. Elle entreprit donc de contourner le bâtiment, de tourner autour pour trouver une éventuelle entrée secondaire, quelque chose qui lui permette de rentrer en se faisant moins remarquer.

Il faut dire que la base de Landmark 81 avait été, avant le cataclysme, un entrelacement de magasins et de piscines à ciel ouverts qui déjà donnait dans la végétation luxuriante : maintenant c’était un véritable dédale, un labyrinthe végétal parsemé de clairières où de l’eau étonnamment claire avait reproduit les piscines d’antan. C’était un petit paradis. Mais Dystopie n’était pas dupe. Il n’y avait pas de paradis sur terre qui ne soit habité de monstres féroces. La tour elle-même n’était probablement pas sécurisée jusqu’en haut. Elle avait vu des formes évoluer dans les hauteurs : probablement de puissants oiseaux monstre qu’elle serait bien en peine elle-même d’affronter.

Des entrées, il y en avait des tas, mais beaucoup étaient gardées. La façon la plus simple de rentrer, c’était probablement encore d’essayer d’escalader une des courtes façades en s’aidant des branches et des lianes. C’était la méthode que Dystopie comptait emprunter, si elle ne trouvait pas d’option plus facile. Et après il faudrait espérer qu’une des portes menant aux étages serait ouverte ou fracasser, ou qu’elle aurait moyen d’y pénétrer. Si seulement elle avait un pokemon volant, la question aurait été réglée plus rapidement.

Elle continua à fureter tout autour de Landmark 81 mais sans trouver de solution simple. Le bâtiment était très large et les entrées très nombreuses, mais toutes étaient gardées. Dystopie se fit la remarque que toutes les gardes étaient des femmes. Il ne semblait pas y avoir d’homme dans la compagnie Jezebel. Ça collait probablement avec le caractère de Sun Cheong. Sun Cheong était courtisane, un nom agréable pour désigner une prostituée japonaise, probablement car elle était sensée avoir de l’éducation et du raffinement. C’était un nom en tout cas qui avait été utilisé depuis la nuit des temps, et l’ère moderne ne faisait pas exception. Mais Sun Cheong n’aimait pas les hommes. Si Dystopie en croyait son dernier échange avec Sun Cheong, celle-ci aimait littéralement les femmes. Ou les désirait, en tout cas. Mais les hommes, non - elle les détestait, même. Il faut dire qu’elle n’avait pas choisi son métier, et qu’elle n’avait probablement qu’une hâte : faire autre chose. Dystopie, elle, n’avait jamais couché avec qui que ce soit, aussi elle ne comprenait pas forcément. Mais le désir… Le désir, peut-être qu’elle comprenait un peu, à la réflexion. Un peu tard ; mais un peu.

Dystopie avait vu tout ce qu’il y avait à voir, et personne ne l’avait repérée. Puisqu’elle ne pouvait pas rentrer par les portes, elle allait escalader. Mais escalader quoi ? Elle avait repéré un ou deux endroits où la végétation faciliterait le trajet ; c’était par là qu’il fallait attaquer.

Elle contourna donc encore une fois le bâtiment et se dirigea d’un pas décidé vers un bout de mur. La construction n’était pas très haute : il faut préciser que la tour n’était pas rectiligne. Elle était plus large à la base, laissant de l’espace pour des piscines ou autres attractions ; d’en bas, Dystopie ne voyait pas tout cela. Tout ce qu’elle voyait c’était un mur plus petit qui menait probablement à une sorte de terrasse. Et il y avait des arbres et du lierre. C’était l’endroit idéal pour commencer. Dystopie n’était pas vraiment une professionnelle de l’escalade. Elle s’en sortait mieux aux sports d’endurance ; escalader demandait une souplesse et une agilité qu’elle n’avait pas nécessairement. Enfin, ça allait lui faire les jambes. Elle n’était pas contre un peu d’exercice. Elle s’approcha donc du mur et s’apprêta à escalader. Jusque là, tout allait bien.