Burning Sun [spec]

- Sun ! Attends !

Les pieds d’Anarchie battaient le sol humide du vieux tunnel de métro. Les quelques passants les regardaient avec une pointe de curiosité. Ce tunnel en particulier était peu utilisé. Sun Cheong était rapide mais n’avait pas tout à fait l’endurance d’Anarchie. La dresseuse commençait à gagner du terrain.

Un embranchement, puis un autre. Sun choisissait les tunnels les moins fréquentés, ceux qui ne menaient pas à des anciens quais où souvent s’étaient construits des petits bars, des habitations miteuses ou des magasins du marché noir. Après quelques minutes de course, il n’y eut plus personne. Anarchie avait grandi ici. Elle savait où Sun allait et elle n’aimait pas cela. Il fallait enjamber de plus en plus de débris, ce qui ralentissait sa progression - à l’odeur, elles devaient à présent se trouver en dehors d’Ykito, sous les ruines de Tokyo. Les vieux éclairages électriques installés il y a plus de dix ans luisaient avec difficulté. Ça et là des petits pokemons commençaient à pointer le bout de leur nez.

Elles étaient épuisées. Alors qu’elle enjambait un amas de pierres, Sun glissa et trébucha. C’était les trois secondes dont Anarchie avait besoin. Elle s’élança en avant et attrapa le bras de la courtisane, la plaquant sur le sol. Sun lâcha un grognement de douleur, tentant de se débattre. Presque allongée sur elle, bloquant ses poignets, Anarchie la maintint au sol, son visage à quelques centimètres du sien.

- Sun ! Sun, arrête !

Elles étaient trempées de sueur. La peau nue sous la chemise de Sun luisait dans la lumière des vieilles lampes électriques. Son odeur montait au visage d’Anarchie comme un souvenir douloureux. Sun.


Sun ne la regardait pas. Exténuée, elle respirait doucement, les yeux à demi fermés, le visage tourné vers le mur. Anarchie la dévisagea. Elle avait changé. Elles n’avaient pas vécu les mêmes choses. L’époque où elles se couraient après dans les rues d’Ykito était passée il y a des années. Sun travaillait dans un bordel. Elle savait confusément ce que cela voulait dire : tous les jours, elle voyait des hommes. C’était son travail. Elle leur tenait compagnie ou leur accordait des faveurs. Contre de l’argent. Anarchie serra les mains sur les poignets de Sun.

Finalement, Sun tourna son visage vers elle et la regarda dans les yeux. Ses lèvres étaient à quelques centimètre des siennes quand elle parla, d’une voix douce et neutre. Ses paupières à moitié fermées laissaient filtrer un regard qui n’était ni amical, ni agressif.

- Tu m’as attrappée, Anna. Contente ?

Anarchie se mordit la lèvre sans savoir quoi répondre. Par quoi commencer ? Elle scruta à nouveau le regard de Sun. Y avait-il encore quelque chose à commencer ? A recommencer ? Elle relâcha tristement la pression sur les poignets de son amie d’enfance.

- Je nous pensais amies.

Sun sourit légèrement.

- Amies, Anna ? Est-ce comme ça que tu me vois ?

Elle pouffa. Ce n’était pas vraiment méchant. Simplement dubitatif. Anarchie la regarda, décontenancée. Sun dégagea doucement un de ses poignets et leva une main vers la joue trempée de sueur d’Anna, qu’elle caressa lentement, dessinant le contour de sa pommette, puis de sa lèvre.  Elle lui jeta un regard rêveur.  

- Nous avons presque le même âge et tu es si belle… Et si sensuelle… Mais tellement petite. Petite, petite Anna.

Les yeux de la jeune femme perçaient le corps d’Anarchie de part en part. Elle lâcha l’autre poignet de Sun et se releva, les joues rouges, le souffle court. Après quelques secondes, Sun se releva également, époussetant sa robe blanche. Elle leva les yeux vers Anarchie en souriant.

- Pour ce que ça vaut, Archie, je ne te déteste pas. A vrai dire, je t’aime plutôt bien. Tu t’es juste trouvée au mauvais endroit, au mauvais moment.

Elle se passa pensivement la main dans les cheveux.

- Et avec la mauvaise génitrice.

Anarchie la regarda sans comprendre.

- Qu’est-ce que ma mère vient faire là-dedans ?

Sun haussa les épaules.

- Tout. Ta mère est une pièce importante sur l’échiquier politique d’Ykito. Elle a beaucoup de contacts. C’est presque une faiseuse de rois. Ou une défaiseuse de reines.

Sun ouvrit son sac et en sortit une pokeball. Elle ne ressemblait à aucune des balls qu’Anarchie avaient vues jusqu’ici. Elle la fit jouer doucement entre ses mains pendant qu’elle parlait.


- Tu as la chance de ne pas avoir eu à servir au “palais”, comme ils appellent le bouge qui me tient lieu de bordel. Même si tu aimes le sexe et que tu te moques du partenaire, crois-moi, tu te lasses vite. Je n’avais pas l’intention d’y rester tout ma vie.

Elle fit luire la pokeball dans la lueur pales des lampes. Au loin, de l’eau coulait goutte à goutte, toquant comme un métronome sur les parois sales du tunnel.

- Je me suis mise à essayer d’autres boulots. J’ai eu quelques bons clients. A un moment ou à un autre, ta mère sera sur mon chemin. Elle y est sans doute déjà. Elle élimine systématiquement toute concurrence.

Elle sortit une deuxième pokeball de sa poche, plus classique. Anarchie avait déjà aperçu ce genre de pokeballs dans les rayons du centre commercial, plus tôt dans la journée.

- Je suis obligée de travailler seule. J’embauche des étrangers de temps en temps. Mais aujourd’hui c’était spécial. J’avais prévu d’envoyer les occidentaux au casse-pipe. J'ai eu l'occasion de faire porter le chapeau à la fille de Céladon Teje. C’était encore mieux.

Anarchie regarda la première pokeball une seconde fois. Etait-ce ça que Sun venait de voler dans les locaux de la Sunrise ? Et pourquoi faire ? Elle n’était pas dresseuse. La fille de Céladon Teje, c’était elle.

- Tu veux me faire porter le chapeau ? Tu penses que ça va vraiment toucher ma mère ? Pourquoi ils te croiraient ?

Elle haussa à nouveau les épaules.

- Je vous ai fait suivre par des pourris de la Sunrise. Ils ont des photos de toi en train de faire de l’escalade. C’est embarrassant pour ta mère... Surtout parce que ce que “tu” as volé vaut beaucoup, beaucoup d’argent.

Elle fait à nouveau jouer la pokeball entre ses mains en souriant.

- Ils n’ont aucune raison de penser que c’est moi qui l’ai. D’ailleurs ce n’est pas pour l’argent que je l’ai pris. Désolée, Archie. Tu as probablement d’ores et déjà la moitié de la Sunrise d’Ykito sur le dos. Et tous les sbires de ta mère. Crois-moi, ce n’est pas contre toi. Tu étais juste une occasion en or que je ne pouvais pas louper.

La robe blanche de Sun Cheong était trempée de pluie. Il y avait des marques noires et des petits cailloux dans son dos, à l’endroit où elle était tombée sur la roche. Anarchie remarqua confusément qu’elle ne portait pas vraiment de sous-vêtements.

- Je vois. Et qu’est-ce qui m’empêche de te reprendre ce que tu as volé ?

Sun Cheong haussa les épaules à nouveau et fit une moue désintéressée.

- Je ne sais pas.

Elle tourna son regard vers Anarchie, la regarda dans les yeux, et ses iris amandes transpercèrent à nouveau la jeune femme. Elle frissonna.

- Je pense que tu ne le feras pas. D’abord parce que tu sais que c’est trop tard. Ensuite parce que tu as trop… d’affection pour moi.

Elle sourit doucement, dans ce qui ressemblait presque à de la tendresse.

- Et pour finir, eh bien… Je pense que tu ne peux pas, tout simplement.

Elle sortit une pokeball de sa poche et l’activa.

- J’ai quelques surprises moi aussi.

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Il y eut une lumière blanche, une deuxième, mais Anarchie avait déjà porté la main à sa ceinture, par réflexe. C’était la seconde fois qu’elle combattait un dresseur aujourd’hui. Elle espérait que Mako soit à peu près remis et en forme : Sun n’avait pas l’air de plaisanter.

Entre Sun et Anarchie se dressaient à présent Mako, Inei, et deux pokemons flottants qu’Anarchie n’avait jamais vus. Elle porta la bouche à son SIS, espérant une analyse rapide.

- Connexion S.I.S. ! Utilisatrice #8585 !! Analyse des Pokemons en combat !

Comme toujours, le petit appareil se mit à bipper et à charger des données. Mais Sun Cheong n’allait pas attendre qu’Anarchie découvre la vie. Ce n’était pas son genre.

- Mirage ! Le Tortipouss. Eloigne-le d’ici. Solaroc. Attaque le Ouisticram, c’est son meilleur combattant.

Au fur et à mesure qu’elle parlait, un bruissement semblait retentir, comme un murmure. Cela venait de la courtisane elle-même, mais Anarchie ne parvenait pas à deviner quoi.

L’espèce de pokemon volant qui ressemblait à du tissu et qui s’appelait Mirage ne semblait pas intéressé plus que ça par ce que Sun disait. Il se contenta d’aller flotter doucement au-dessus d’Inei et de Mako. Mako lui sauta violemment dessus, mais sans succès ; il ne parvint qu’à s’écraser un peu plus loin dans les gravats du sol, suivi de près par le Solaroc.

Inei, à l’inverse, avait manifestement été encouragé par les événements de la journée. Il se redressa sur ses pattes arrière et resta un moment comme ça, immobile. Puis il se mit à chuchoter, chuchoter ; et ses chuchotement s'accélérèrent et se fut bientôt une tornade de feuilles qui engloutit les deux dresseuses et leur pokemons, coupant la chair, effritant la pierre. Anarchie se jeta au sol alors que Sun essayait d’esquiver.

... Connexion au S.I.S. network ... ... ...
... Utilisatrice : #8585 ... ... ...
... Niveau d'accès : Dresseuse ... ... ...
... Initialisation du S.I.S. ... ... ...
... ... ...
... Analyse des Pokemon en combat ... ...
...

- Bonjour, [Anarchie Mephritt] ! Les Pokemons qui combattent actuellement votre [Tortipouss] et votre [Chimpenfeu] ne se trouvent pas dans votre pokedex. D’après mon dictionnaire, il s’agit vraisemblablement d’un [Eoko] et d’un [Solaroc]. Ces pokemons ne se trouvent pas à l’état sauvage en Asie ! Le premier est un pokemon de type Psy, et le second est un pokemon de type Psy et Roche. Avez-vous d’autres questions ?

Anarchie était allongée au sol et essayait d’éviter les attaques des pokemons de Sun, mais Sun ne faisait pas dans la dentelle. Elle s’était mise hors de portée des pokemons d’Anarchie et particulièrement en dehors de la tempête verte. Du sang coulait sur ses habits. Elle avait été blessée à plusieurs endroit. Anarchie sentit une bouffée de désespoir monter.

- Sun ! Fais attent...

Sun murmura quelque chose et une colonne de flamme jaillit du Solorac. Le tunnel se mit tout d’un coup à briller vivement, révélant clairement la scène.

Mako était aux prises avec le Eoko et il ne gagnait pas. Le petit pokemon tournait en murmurant gaiement autour de lui, ajoutant la confusion à la fatigue des combats du matin. Le singe était épuisé, blessé, et ne parvenait pas à placer une attaque.

Inei était dressé au milieu de la pièce, murmurant toujours, alors que des feuilles coupantes tournoyaient autour de lui à n’en plus finir. Sa carapace avait pris feu à un endroit mais il ne semblait pas s’en soucier.

- SIS ! Comment on se débarrasse de...

- Je n’ai pas compris votre question, [Anarchie Mephritt] !

L’affrontement avait fait trembler le sol du tunnel. Mako avait percuté le Solaroc brutalement. L’étrange assemblage de pierre avait gagné. Le singe était au sol, K.O. Anarchie jura. Elle espérait qu’il n’était pas mort. Elle le rappela rapidement.

Heureusement, le Eoko de Sun avait fini par se désintéresser totalement du combat. Il virevoltait dans un coin du tunnel en chantonnant. D’une certaine façon, ça faisait un partout.

- Je n’ai pas compris votre question, [Anarchie Mephritt] !

Anarchie devait trouver une façon de gérer les pokemons de Sun. Elle se rappelait vaguement avoir lu que les pokemons psychiques craignaient les attaques les plus brutales. Peut-être que son jeune serpent pourrait faire quelque chose pour ça.

Elle attrappa la pokeball d’Ibara et l’activa. De l’autre côté du tunnel, elle vit Sun faire de même. Elle allait appeler un troisième pokemon. C’était le moment.

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-

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Et maintenant, Pré-Dissidente, on a l'avantage numérique...mais pour combien de temps ?

- Je n’ai pas compris votre question, [Anarchie Mephritt] !

Le tunnel tremblait toujours. Le Solaroc essayait de se rapprocher d’Inei mais n’y parvint pas : la tempête de feuilles était trop intense. Il finit par se fissurer et éclater. Anarchie entendit nettement Sun grogner.

- Tch.


Elle sembla hésiter une fraction de seconde puis sortit la pokeball à l’apparence étrange qu’Anarchie avait aperçu un peu plus tôt. Elle l’activa. Il y eut un éclair prismatique et une petite forme translucide apparut sur le sol. Ou au-dessus du sol ?


Ibara tenta de mordre l'espèce de pokemon, mais passa au travers. Dans l'incompréhension, il se retourna sur Sun. Anarchie porta son SIS à sa bouche.

- Analyse du dresseur ! Analyse du nouveau pokemon !

Bip… Bip… Bip…
La tempête de feuille commençait à perdre en intensité. Inei fatiguait.
Bip… Bip… Bip…

- La dresseur que vous affrontez est enregistrée au nom de [She Rises] ! Elle dispose d’un SIS collier de dernière génération développé cette année par la branche Network de la Sunrise à Embrun !

L’IA du SIS marqua une pause, puis poursuivit :

Le nouveau pokemon est… ouveau pok mon st… veau o on st… fffffffffffff… ERROR DATA NOT FOUND - PERMISSION DENIED - ISSION ER NIE - WARNING - INTRUSION PENDING - WARNING - INTRUSION PENDING - WARNING - WAR…

BAM.

Le vieil appareil SIS d’Anarchie surchauffa et éclata en quelque seconde. Elle le lâcha, surprise, puis ses yeux se tournèrent vers Sun Cheong. La tempête de feuille se calmait et Sun, couverte ça et là de coupures saignant légèrement, la regardait avec des yeux brillants.

La tempête de feuilles se calma complètement et Inei revint sur ses quatre pattes, chancelante. La petite tortue avait laissé derrière elle un véritable lit de feuilles mortes. Elle était épuisée. Sun avait libéré un dernier pokemon - un espèce de petit chat au poil rose et aux yeux gris qui se cachait dans les jambes de la courtisane

- Il va falloir faire sans ton SIS, Archie.

Sun la regardait en souriant. Le pokemon étrange, translucide, se tenait entre les pokemons d’Anarchie et elle.

Alors qu’elle s’apprêtait à dire autre chose, Ibara qui se tenait discrètement sur le sol se projeta sur Sun et tenta de la mordre, mais celle-ci réagit vivement. Il parvint cependant à arracher le collier-SIS de la courtisane qui tomba sur le sol.

- Tch. Aurore !

Le petit chaton tourna ses yeux étranges vers le serpent et miaula. L’attaque psychique fit trembler les murs ; mais Ibara sembla ne rien sentir. Le serpent se retourner vers le chaton et le mordit brutalement, dans un miaulement pathétique.

- Tu n’as plus de SIS non plus, Sun. Laisse tomber. Tes pokemons ne font pas le poids.

La courtisane soupira.

- Peut-être. Mais j’ai toujours notre petite expérience.

Elle pianota sur la pokeball étrange et le pokemon translucide se mit à briller. Au même moment, toutes les pokeballs à la ceinture d’Anarchie se mirent à scintiller et à vrombir.

- Qu’est-ce que tu fais ?!

- Je... n’en ai aucune idée.

La courtisane sourit. Dans un “ploc”, toutes les pokeballs d’Anarchie se désactivèrent.

- En tout cas, je crois que tous tes pokemons sont libres, Archie. J’espèrte qu’il te sont TRES fidèles.

Tous les pokemons de Sun étaient K.O. à l’exception du pokemon translucide, immatériel. Rien ne semblait vraiment le toucher. Sun paraissait à présent sûre de sa victoire. Mais les pokemons d’Anarchie, sans lui être spécialement fidèles, avaient été plutôt bien traités et compris. Anarchie n’avait pas besoin de pokeball et c’était, dans le cas présent, son principal atout.

Ibara avait tenté de mordre le pokemon translucide une fois, sans succès. La femelle serpent était particulièrement intelligente, Anarchie commençait à s'en rendre compte. Elle n’avait pas besoin de lui donner des ordres. Voyant que le pokemon flottant était intangible, elle décida de s’en moquer. Elle avança à nouveau sur Sun pour l’attaquer.  

Sun regarda le serpent avec méfiance, puis Anarchie.

- Tu vas faire quoi, Archie ? Me tuer ?

Avant qu’Anarchie ait pu répondre quoi que ce soit, le serpent avait bondi une nouvelle fois pour mordre Sun. Cette fois-ci il visait mieux. Ses crocs se plantèrent dans le bras de la courtisane qui poussa un cri de douleur.

- Tch. 287 !

Semblant réagir au chiffre, le pokemon translucide se matérialisa subitement et chargea le serpent. C’est plus qu’il n’en fallait à Anarchie.

- Tsugumi ! Attaque !

Le petit monstre griffu qui bondit de derrière Anarchie était plus gros que d’ordinaire, et couvert de piques. Lui aussi avait évolué en se libérant, nota Anarchie. C’était parfait.

Le petit monstre plein de crocs bondit à la gorge du Porygon pour tenter de le mettre en miettes.

Les trois pokemons se trouvaient maintenant en combat les uns avec les autres et la bataille tournait court. Ibara dut battre en retraite, épuisée ; mais la petite furie qu’Anarchie venait de lâcher sur le terrain était en train de mettre le précieux pokemon de Sun Cheong en miette. Des étincelles volaient dans tous les sens à chaque fois que les violents coups de patte partaient en rafale. Il était clair pour Anarchie que Sun n’avait plus l’avantage.

Celle-ci semblait en être venue à la même conclusion car elle commençait à s’éloigner dans le tunnel.

- Bon, eh bien tu gagnes cette manche. J’aurais dû me douter que tu me battrais en combat de monstres. Tu as toujours été un peu bestiale.

Anarchie ne voyait pas très bien ce que son ex-meilleure amie voulait dire, aussi elle haussa simplement les épaules et tenta de contourner le combat pour s’approcher.

- Je n’y ai jamais réfléchi. Sun, tu es blessée. Il est tant d’arrêter cette comédie. Viens avec moi, on peut encore régler les choses. On trouvera bien un truc.

Sun se mit à rire doucement.

- Archie, Archie… Comment peut-on être aussi sensuelle et aussi naïve…

Elle ne s’éloigna pas, pourtant, et laissa Anarchie venir à elle. Elle semblait s’être résignée.

Dans un petit Bzzzt le n°287 retourna dans sa pokeball, et le silence retomba sur le tunnel. Les pokeballs d’Anarchie se réactivèrent dans un son similaire. Il ne restait plus que Sun, silencieuse, immobile au milieu des débris.

- Pourquoi tu ne partirais pas avec moi, Sun ? Je vais prendre un transport pour Luan Zhen. Me fondre dans la masse. Me refaire une vie en tant que dresseuse. Tu pourrais venir avec moi.

Sun Cheong écoutait. Amusée peut-être. Ses yeux brillaient tandis qu’elle regardait Anarchie parler, et Anarchie se sentait Bête. Elle s’arrêta à un mètre de Sun et cessa de parler, rendant Sun à son regard. Un instant passa. Puis Sun écarta ses lèvres délicatement roses dans un sourire léger dont Anarchie ne rata aucune touche ; un million d’images de sourire qui lui restèrent gravés profondément dans sa chair.

- Anarchie… Tu crois que je n’ai pas préparé ce que je fais ? Tu crois que j’improvise ?

Elle s’avança vers Anarchie, et Anarchie recula.

- Cela fait des mois que je prépare ce coup. Et j’ai réussi. Bon gré, mal gré, j’ai réussi.

Elle avance encore, et Anarchie se retrouve le dos collé contre le mur sale du tunnel. Elle sourit toujours, son visage à trente centimètres de celui d’Anarchie, si bien qu’Anarchie en voit toutes les teintes, tous les cils, tous les fragments d’iris. Alors qu’elle parle son souffle chaud vient brûler sa bouche.

- Et tu ne m’en empêcheras pas, Anarchie. Tu vas rester ici, les bras ballants, pendant que je quitte ce tunnel. Tu ne m’en empêcheras pas.

- Pourquoi ? Qu’est-ce qui te fait croire ça ?

Anarchie la regarde avec défiance. Sun sourit, approche doucement son visage d’Anarchie et l’embrasse avec délicatesse. Elle l’embrasse comme on embrasse un enfants ; ses lèvres viennent se coller aux siennes, avec tendresse, les caresse quelques secondes, puis se détachent. Anarchie s’est figée. Elle regarde les yeux de Sun, incapable de formuler la moindre phrase, d’articuler la moindre cohérence.

Sun lui prends la main, sans éloigner son visage, sans quitter ses yeux du regard.

- Parce que tu es amoureuse de moi, Archie., elle murmure,Tu es amoureuse de moi depuis le premier jour. Et quand je te vois comme ça, elle poursuit, murmurant toujours à son visage, Quand je te vois sous tes voiles discrètes, quand je vois tes hanches larges comme un lit défait, quand je vois tes seins, tes seins lourds de ne pas être caressés, quand je vois tes seins qui semblent chercher ma peau pour s’y perdre ; quand je vois tes lèvres à moitié entrouvertes, à moitié entrouvertes sur ma bouche... J’ai envie de te dévaster. J’ai envie de te défaire, dix fois, cent fois, jusqu’à ce que tu ne puisses plus respirer. J’ai envie de te manger. J’ai envie de te dévorer. Elle approche à nouveau ses lèvres de celle d’Anarchie et l’embrasse, cette fois avec plus de force, serrant sa main, pressant son corps contre le mur du tunnel ; et ses lèvres humides et chaudes vont s’ouvrir entre celles d’Anarchie alors que sa langue vient caresser, caresser encore, et Anarchie sent subitement comme une eau qui monte, qui monte, comme un chagrin qui se révèle ; Anarchie sent comme une mélancolie lui prendre la gorge et perler ses paupières, Sun Cheong, Sun Cheong…

Quelques secondes, quelques secondes, une infinité de secondes plus tard, Sun Cheong détache ses lèvres. Elle se recule un peu. Anarchie est immobile. Offerte. Sun sourit avec tendresse ; elle caresse la joue d’Anarchie doucement du dos de sa main ; puis elle se recule, et sans se retourner, s’éloigne dans la pénombre du tunnel.

A peine murmure-t-elle en partant :
- Au revoir, Archie.