New life (1/2)

Le bus qu’elle avait pris pour aller jusqu’à Swanford avait crevé au milieu de la route traversant le marais. Au point où elle en était, Cobalt se disait qu’elle ferait aussi bien de finir à pied - le chauffeur lui avait déconseillé car le coin pouvait être dangereux, mais Cobalt s’en fichait. Elle n’allait pas attendre plusieurs heures qu’une dépanneuse arrive.

Elle avait somnolé dans le bus d’un sommeil sans rêve. Elle se sentait en forme ; Zoé toujours perchée sur son épaule, elle marchait d’un pas rapide sur le bitume, rarement doublée par une voiture ou par un autre véhicule. Il faudrait qu’elle s’achète une moto. Elle rêvait un peu d’une moto.

Elle avait gardé Fossoyeur, le solide pokemon attrapé dans les mines. Il la suivait d’un pas rapide. Elle ne savait pas trop pourquoi elle s’était attachée à cette boule de muscles, mais le pokemon était pratique. Il servait en toutes circonstances.

Elle n’avait pas rouvert son SIS depuis l’accident dans la mine. Elle avait des tas de messages en absence mais elle s’en fichait. Ses cheveux courts battaient dans le vent léger qui soufflait le sud du continent nord-américain. Elle devenait quelqu’un d’autre, peut-être.

Les marais qui entouraient Swanford n’étaient pas très ragoûtants, c’était le moins qu’on puisse dire. En plus d’être moyennement sûrs niveau solidité des pilotis, ils étaient traversés de pokemons plus ou moins dangereux et surtout passablement irritants et ennuyeux. Sans parler des animaux traditionnels comme crocodiles et moustiques qui formaient un calvaire tout ce qu'il y a de plus classique. Bref, c’était l’enfer marron de l’amérique du nord.

Par conséquent, Cobalt s’amusait beaucoup. Cobalt adorait faire n’importe quoi. Plus ça semblait être n’importe quoi, plus elle kiffait sa race. Sautillant de pontons en pontons, elle se dirigeait globalement dans la direction de la ville de Swanford tout en observant la faune et la flore sauvage environnante.

Il y avait beaucoup à observer.

Pour l'heure, elle était concentrée sur l'observation d'un combat épique (c'est à dire implacablement ennuyeux) entre Zoé et une araignée d'eau doctement appelée ARAKDO. Parfois Cobalt se demandait si la personne qui avait nommé les pokemons n'était pas Cobalt elle-même.

Cobalt avait pris pour habitude de noter pour chaque pokemon rencontré quelques informations le concernant. Particulièrement les insectes : déjà parce que c’était la principale source de nourriture de Zoé, mais aussi parce qu’ils étaient très nombreux, peu dangereux, et adoptaient des comportements intéressants.

Le Ningale qu’elle avait capturé, par exemple, semblait sur le point de muer. C’était un phénomène fascinant, la mue. Elle avait gardé son Blindalys et son Armulys sur son bras plusieurs heures, durant le trajet, jusqu’à observer leur mue puis leur évolution. Il faudrait qu’elle prenne le temps de noter tout ce qu’elle avait appris là dessus. Plus tard.

Le chenipotte ne l’intéressait pas trop, évidemment : ce n’était rien que du très classique. Elle s’intéressait davantage à l’Arakdo. Comment cette pseudo-araignée parvenait-elle à se déplacer de la sorte ? Pourquoi posait-elle autant de problèmes à Zoé ? LOLrondelle serait-elle à même, elle, de l’en débarrasser ?

Par ailleurs, elle commençait à avoir faim. Aucune science de qualité ne se faisait le ventre vide.

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Et maintenant, Dresseur, merci de faire attention à vos lignes de code et tenir à jour les PVs de vos Pokémons...

Alors que LOLrondelle nettoyait les insectes du coin, Cobalt décida de se faire un sandwich. Elle avait acheté du pain et quelques trucs à un supermarché de Medgate, en attendant le bus. Il faisait relativement beau - le marais avait de jolies couleurs qu’on ne voyait que dans le sud du continent nord-américain. Elle n’avait croisé presque personne sur les pilotis en bois qui traversaient le marais - quelques pêcheurs, quelques dresseurs, dans l’ensemble peu de monde. Ce n’était pas comme si elle avait envie de papoter, de toutes façons.

Après avoir finement et astucieusement disséqué le cadavre d’une chenipotte que LOLrondelle venait d’assassiner, elle en isola la chair comestible qu’elle tartina - faute d’un meilleur mot - sur son pain, avec du jambon et quelques noix de beurre. C’est à dire que Cobalt aimait bien manger, surtout la viande.


- Bonjour jeune femme ! C’est un sandwich bien curieux que vous mangez là… Vous êtes gastronome ou juste affamée ?

Cobalt se retourna. Un vieil homme se tenait derrière elle, armé d’une longue canne à pêche.

- C’est mon coin de pêche. Je peux vous tenir compagnie ?

Cobalt le détailla. Il devait avoir soixante-dix ou soixante-quinze ans, un âge très avancé pour le coin, où la mortalité restait assez élevée. Il avait une barbe soigneusement taillée et un chapeau d’explorateur qui lui donnait un air plus sportif qu’il ne l’était probablement, au vu de sa forme physique apparente. Il avait des yeux verts pâles qui ressortaient dans la pâleur de son visage. Cobalt hocha la tête.

- Faites donc. Vous voyez le petit lézard là-bas ? C’est mon pokemon. Elle est drôlement sympa. Et patiente. C’est une Arcko.

Le vieil homme lui rendit un sourire pâle comme son visage, mais plein de bonté. Ah, se dit Cobalt, c’était le genre de PNJs vieux et sympa dans les jeux vidéos qui font les deus ex machina quand le scénariste a plus d’inspiration. Ou qui trigger une intense réflexion sur soi. Dans le premier cas sa vie était chiante ; dans le second elle allait embarquer dans une quête métaphysique qu’elle n’avait absolument pas le courage de gérer. Elle soupira, plus pour elle-même que pour le monsieur. Celui-ci n’y accorda aucune attention. Il était occupé à organiser son matériel de pêche.

Le vieil homme se posa à côté d’elle sur un tabouret pliant et commença à amorcer sa canne à pêche, l’air rêveur.

- Une jeune fille comme vous, ça devrait pas traîner toute seule ici. Vous pourriez vous faire attaquer.

Cobalt pouffe, étonnée.

- J’ai des pokemons vous savez. Et pour ce qui est de courir, à mon avis, je cours plus vite que vous.

Elle mit un temps à réaliser que son commentaire était peut être déplacé, et tenta de se rattrapper :

- Enfin je veux dire. J’en sais rien. Mais j’ai vingt-quatre ans et… Enfin je veux pas sous-entendre que vous êtes vieux hein.

Le vieil homme rit doucement.

- Je suis vieux, tu peux le dire. Mais aucune bestiole n’a encore essayé de me boulotter. Les moustiques par contre… Ah ça… Ils y vont. Ma femme me fait une décoction à base de citron. ‘Marche pas mal.

Cobalt hocha la tête.

- Ça va, j’ai pas trop à subir des moustiques pour le moment.

Le vieil homme, la canne à pêche dans les mains, attendait toujours tranquillement que ça morde. Ça ne mordait pas beaucoup mais ça ne semblait pas le déranger.

- Et qu’est-ce qui vous amène ici, jeune femme ? C’est un endroit particulier pour se balader.

Cobalt hocha la tête.

- Je suis scientifique. Enfin, apprentie scientifique. Je me dirige vers Wheelfield pour me renflouer en équipements, particulièrement en truc métaliques.

Le vieil homme moulina un peu. Pendant ce temps, Zoé s’amusait toujours à chasser les insectes du coin. Il sourit.

- Scientifique hein ? Et vous avez découvert des choses intéressantes ?

Elle haussa les épaules.

- Pas trop, j’avoue. Je prends des notes sur la faune et la flore du coin, mais ce n’est pas très intéressant.

Le vieil homme rit doucement.