Jezebel Cie.

Sun Cheong jetait sur la mer de chine un regard lourd d’encre et de solitude. Elle avait voyagé dans un navire Sunrise sans payer et débarqué avec d’autres perdus non loin du principal campement de la Sunrise. L’île comptait parmi les endroits les plus dangereux d’Asie, et ce n’était pas pour rien. Seule, Sun n’aurait peut-être pas survécu longtemps. Mais elle n’était pas seule. Elle avait des gardes du corps, une pelletée de nouveaux pokemons, suffisamment de nourriture pour tenir un siège. Et elle était riche. Absurdement riche. Suffisamment riche pour qu’il faille qu’elle change de continent et qu’elle s’invente tout un tas de faux profils. Et tout ça, c’était grâce à Anarchie. Elle allait par le nom de Dystopie, maintenant, semblait-il. Et elle la cherchait. C’est ce qu’on lui avait rapporté. Sun s’en moquait, bien entendu. En tout cas c’est ce qu’elle se disait à elle-même en gravissant la côte qui menait aux collines surmontant la forêt environnante. Ce n’était pas tout à fait vrai, mais pour l’instant, elle se forçait à ne pas y penser - un problème à la fois.


Arrivée en haut avec sa petite équipe, Sun respira l’air lourd et humide comme on boit une gorgée d’eau fraîche. Puis elle jeta un regard curieux sur l’océan vert devant elle. Là. Là, à quelques dizaines de kilomètres, l’enfer vert se creusait d’un réseau arachnéen de pierres usées et de vieilles structures qui s’étendait à perte de vue. Elle sourit, satisfaite. Elles étaient arrivées. Elle se tourna vers Soja qui la suivait de près et vers les autres femmes de la petite troupe.

- On y est. Voilà notre nouvelle maison. Inhabitées. Inexplorées. Vierges depuis probablement plusieurs siècles.

Elle sourit, et son sourire de courtisane avait quelque chose de carnassier.

- Les Ruines de Saigon.

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La grande femme qui se tient sur la gauche de Sun regarde l’horizon, un pli inquiet chiffonnant l’espace entre ses sourcils.

- On devrait y être avant la nuit. Comme prévu, il faudra sécuriser immédiatement un premier bâtiment avant d’engager des fouilles. On devrait également s’assurer de la présence d’un point d’eau - malheureusement le fleuve est de l’autre côté.

Sun hoche la tête et tourne son visage vers une autre femme, juste à côté. Celle là est presque aussi grande, mais beaucoup plus robuste. C’est une de ses gardes du corps, mais c’est surtout la directrice des opérations.


C’est une européenne, une italienne probablement vu son nom, encore que de nos jours les européens puissent être de n’importe quelle région. Une militaire à n’en pas douter. Elle jette sur l’horizon un regard critique.

- On avait convenu de s’installer pas trop loin du delta du Mekong, à terme. Mais les cartes qu’on a ne sont pas du tout à jour, évidemment. Le Mekong n’existe probablement plus. Par contre le lac Ho Tri An existe encore, donc la rivière aussi. Ya pas à chicanner, il faut directement viser l’est.

Natsuki et Sun hochent la tête en signe d’approbation. Mais la quatrième femme ne les écoute pas. Elle a le regard braqué sur son SIS.

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La femme aux cheveux blancs et courts pianote furieusement sur son appareil. A la regarder, on ne sait pas trop si c’est un homme ou une femme - assez androgyne de corps comme de visage, elle porte des boucles d’oreille, seul signe genré de son identité. Elle finit de pianoter et lève les yeux sur Sun.

- Toujours aucune réaction côté Sunrise après nos achats de ces deux dernières semaines. Nos contacts dans la hiérarchie confirment que nous sommes pour l’instant invisibles.

Sun hocha la tête.

- Tant mieux. Il va nous falloir plusieurs semaines pour nous installer correctement et mettre en place les routes maritimes nécessaires. Autant commencer rapidement.

Elle pointe l’étendue de jungle verte devant elle.

- Allons-y. Il faut qu’on y soit avant la tombée de la nuit.

Sur ces mots, le petit groupe se remit en marche vers l'orée des arbres.

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Elles n’étaient que cinq ou six mais elles avançaient rapidement dans la végétation dense, creusant parfois un passage à la machette quand c’était nécessaire. Il y avait de tout dans la foret vietnamienne, des animaux inoffensifs aux pokemons monstrueux en passant par tous les types possibles d’insectes plus ou moins mortels. Sun était habillée d’un simple jean et d’une chemise blanche qui lui donnaient davantage l’air d’une CEO que d’une courtisane - ce qu’elle était devenue, d’une certaine façon. Parme passait devant, tant pour son expérience des terrains dangereux que pour son importante collection de pokemons de haut niveaux.

Après une heure et demie de marche et quelques escarmouches sans conséquence, elles arrivèrent finalement aux premiers bâtiments. Ou en tout cas, ce qu’il restait de la banlieue d’Ho Chi Minh Ville après plusieurs siècles de carnages. Ça et là des carcasses de scooters, de voitures et des restes de murs témoignaient de ce qui avait été, jadis, une importante localité.

Des nombreuses autoroutes qui avaient jadis traversé la rivière Dong Nai, il n’en restait aucun. Ou plutôt il n’en restait qu’un. L’autoroute CT01 avait survécu et traversait toujours la rivière, se jetant directement au centre de Saigon.

C’est là qu’elles arrivèrent, à la nuit tombée, au pied de Landmark 81, la plus haute tour du Vietnam.

La tour les dominait de plus de 400 mètres. Il y a avait des buissons et même des arbres qui poussaient à plusieurs dizaines de mètres en altitude.

- On y est.

Murmura Sun.

- Landmark 81. Je pensais qu’elle aurait été en partie écroulée. Mais non. Deux siècles plus tard, elle est presque toujours aussi haute. Incroyable.

Parme regardait les hauteurs, elle aussi, mais différemment.

- Il va y avoir du boulot. C’est plein de pokemons super puissants.

Kevin ricanna.

- Oui, et de technologies anciennes. C’est pour ça qu’on est là. Cet endroit est une des rares grandes villes encore vierges. Ça va coûter cher de s’installer ici, mais ça va rapporter gros.

Sun sourit à ses collègues.

- Eh bien, mesdames... Bienvenue à Saigon, siège de l’entreprise JEZEBEL. Installons-nous. On est là pour un bon moment.