~1~ La Geste d'April [mod]

Le vent soufflait sur les ruines de Tokyo, sillonnées régulièrement par des rangers de la Sunrise. Une forme fine marchait le long des rues percées d’arbres. Elle tenait dans les bras un pokemon bizarre, sorte de gros pot de confiture.

( Il s’appelait Compote, aussi on aurait pu parler de “la Geste de Compote”, mais c’était quand même moins classe. )

Il ne pleuvait pas ce jour-là, heureusement, car le pokemon que Seraphine tenait dans ses bras n’aimait pas particulièrement la pluie. Il n’aimait pas grand chose. Elle ne l’avait pas choisi pour ses goûts en matière de météo, ni pour ses capacités au combat. Elle l’avait choisi car il était solide comme un pot de compote. (ce qui pour elle était assez solide, surtout quand elle essayait de les ouvrir seule) Il s’appelait d’ailleurs Compote. Finn trouvait qu’il avait la couleur d’une compote de pomme. Et il était solide. C’était ça le truc. “N°1”, comme l’appelait Sera, résistait très très bien, malgré sa nullité apparente, à des attaques extérieures diverses et variées. Y compris de pokemons beaucoup plus puissants. Et c’était nécessaire car Sera n’avait pas l’intention de capturer des pokemons faibles. Elle voulait capturer des pokemons balèses rapidement, pour se dépêcher de nettoyer la première arène. L’arène d’Ykito.

Sera avait bien fait son travail : elle s’était renseignée longuement, obsessivement, sur tout ce qu’il y avait à savoir de la première arène et se son maître, Khiem. Ensuite, elle avait cherché l’endroit idéal pour capturer des pokemons qui le contreraient. Et elle y était.

Les ruines de tokyo étaient un endroit dangereux pour une jeune dresseuse comme elle. Mais elle s’en fichait : elle avait Compote. Et il resistait bien. Elle s’en rendit compte quand le premier pokemon sauvage attaqua : c’était un sale petit ratata, une bête teigneuse ubiquitaire du continent asiatique. Pas un de ceux qu’elle cherchait, mais idéal comme chair à canon. Elle allait le capturer et l’utiliser pour en capturer d’autres. Facile.

Elle avait pratiqué sa technique au bowling - un sport de riche qu’April pratiquait certainement, aussi quand le Ratata attaqua elle lui envoya Compote dessus avec élégance, et la petite tortue roula roula roula, écrasa une patte du Ratata, rebondit sur un mur, prit de la vitesse, écrasa une autre patte… Le Ratata mordait mais ça n’était pas très efficace. Un combat de sourds. Mais ça n’avait pas d’importance : pendant ce temps, Seraphine balançait des pokeballs à tout va, comptant sur la chance pour prendre son premier pokemon.

Elle n’avait pas une infinité de pokeballs cela dit, il allait donc falloir qu’elle commence à toucher. Ou elle allait arriver à cours.

Compote roulait, roulait, roulait, tant et si bien que Sera finissait par se demander si le machin allait un jour s’arrêter. Mais le Rattata était hargneux, et une morsure plus habile que les autres mit fin à la roulade. Compote était apeurée, rentrée dans son petit pot de compote. C’est le moment que Sera choisit pour lancer sa pokeball d’une main dextre quoique peu expérimentée. (à part avec les 2 précédents échecs)

Pok - le Rattata était capturé. Elle rammassa la pokeball, prit son marqueur et écrit dessus : “N°2”. Ça y était : elle avait un pokemon suffisant pour battre Khiem. Enfin, ça restait à voir : elle ne comptait pas s’en tenir là. Elle voulait être sure de ne laisser aucune chance au champion de l’arène électrique d’Ykito : et pour ça, il lui fallait des pokemons résistants à l’électricité. Ça tombait bien : les ruines en était pleines. Il lui fallait un Sabelette et un Raccaillou.

Après avoir rangé sa pokeball à sa ceinture, elle se mit donc en quête de davantage de petits monstres à capturer.

Les ruines de tokyo étaient vastes ; même la partie sécurisée par la Sunrise était gigantesque. Il n’y avait pas de risque à ce qu’un pokemon vraiment puissant apparaisse ; malgré tout, les pokemons intermédiaires pouvaient s’avérer étonnamment balèses. C’est ce que découvrit Sera quand deux piafabecs s’abattirent sur elle, sortis de nulle part - enfin probablement de quelque part mais elle ne les avait pas vus venir. Les deux animaux étaient extrêmement féroces : violents, obsessifs, carnassiers, ils voulaient de la viande. Sera se jeta immédiatement au sol et leur jeta Compote au visage, mais ça ne suffisait pas. Heureusement il y avait N2. N2 était assez aggressifs - il fallait l’être pour s’attaquer à une humaine - et même si il n’écoutait pas un traître mot de ce que racontait sa dresseuse - qui pour l’instant n’avait de dresseuse que le nom - il mordait férocement. Le combat fut rapidement un deux-contre-deux, même si Compote ne faisait guère que ce qu’elle faisait de mieux : rouler rouler rouler. Paradoxalement, Compote s'avérait plutôt efficace pour lutter contre les volatiles.

Dès qu’un des deux piafabec se retrouva déséquilibré par les roulades successives et les morsures, elle se releva rapidement et le larda de pokeballs. L’opération était risquée mais elle paya : l’animal se retrouva pris dans la ball en un tour de main. Elle poussa un petit cri de satisfaction. Maintenant, il fallait s’occuper de l’autre.

Compote roulait toujours mais commençait à sérieusement souffrir. Sa carapace était toute griffée. Il allait probablement être temps d’abandonner ce petit pot de compote au bord d’une aire d’autoroute : elle avait fait son travail. Non, Sera n’était pas un monstre, elle ne l’abandonnerait pas. Ça ne servirait à rien : Finn la ramasserait sans doute immédiatement en criant “Oooooh le mignon petit pokemon” et ce serait reparti pour un tour. Non, elle n’abandonnerait pas Compote. Mais elle allait la remplacer.

N°2 le ratata souffrait pas mal lui aussi. Il faisait bien son travail de bouclier de chair, et comme tout travail celui-ci allait finir par arriver également à son terme. Elle allait attendre qu’il crève et le jeter. Ou le laisser en repas à son tout nouveau piafabec. Nooon, Sera n’était pas un monstre. Enfin...

Le combat s’était bien calmé et Sera pouvait à nouveau respirer, pendant que le Piafabec resté seul se faisait rouler dessus méticuleusement par Compote. Elle laissa donc son regard dériver sur les ruines de Tokyo, parsemées ça et là d’ombres jetées par les petits nuages qui traversaient le ciel clair. Comme souvent depuis qu’elle la connaissait, Sera pensait à April. A sa bouche. A ses yeux. A ses courbes, ses hanches. A ce qu’elle voudrait lui faire. Des choses inavouables. Ou alors seulement avouables à des oreilles consentantes.

Heureusement, Sera n’était pas souvent là. Le reste du temps c’était Finn, et Finn pensait plutôt à tout ce qu’elle voulait que April lui fasse. Lui faire faire la vaisselle. Le repas. Le ménage. Bon, ok, et d’autres trucs aussi, avec une petite voix méchante. Des caprices. Un inspecteur de police aura probablement conclu que les deux étaient aussi flippantes l’une que l’autre, mais Sera & Finn n’en avaient pas conscience. Elles étaient aveuglée par leur désir. Et leur désir, c’était de posséder April. Elles avaient du mal à mettre les autres considérations en perspective. (comme les considérations légales)

Au demeurant, Sera & Finn croyaient fermement au consentement, ce qui était probablement une bonne chose pour la riche héritière. Si elles étaient excessives, elles n’en restaient pas moins respectueuses - et amoureuses. Et si d’aucuns voyaient dans leurs sentiments une obsession prédatrice, ils oubliaient probablement un détail somme toutes assez important : Séraphine n’était pas un homme. Séraphine était une femme - deux, même - et avait été éduquée comme telle : elle ne prenait pas de force ce qu’elle ne pouvait pas avoir. Elle ne pensait pas que l’affection de l’autre lui était due. Elle ne voyait pas April comme un objet à posséder. Elle n’avait pas de domination à asseoir. Aussi morcelée, fracturée et torturée que soit Séraphine, elle restait un être humain purement et simplement fasciné par un autre être humain ; et si cette fascination pouvait mettre mal à l’aise, elle ne mettait personne en danger.

En tout cas c’est ce que dirait son meilleur ami à un inspecteur de police, si seulement elle avait des amis.

Pour l’instant, elle avait surtout un Piafabec sauvage récalcitrant sur les bras.

Ces volatiles étaient définitivement difficiles à gérer et Sera galérait un peu. Elle tenta différentes approches : leurrer le piaf avec compote pour l’attaquer à coups de pokeballs, lui lancer des cailloux dessus, tenter de l’attraper elle-même - elle réalisa heureusement vite que c’était une TRÈS mauvaise idée - puis finalement, excédée, elle balança n°3, le piafabec qu’elle venait d’attrapper. Le faire se battre contre son pote n’était peut-être pas la meilleure idée du monde en terme de traumatisme animal, mais les pokeballs assuraient généralement une certaine obéissance de la part des maîtres. Et obéissance il y eu. Peut-être effrayé par la posture Sera ou le fait qu’elle tenait sa prison dans la main, le pokemon vola à tire d’oeil sur son ancien collègue et lui vola dans les plumes, le faisant décamper. Sera sourit, satisfaite. Encore une victoire. Elle avait bien besoin de victoires.

Après ce combat particulièrement difficile, elle remit ses affaire en état - tout était tombé par terre durant le combat - et se mit en quête d’un sabelette ou d’un racaillou. Elle allait devoir fouiller les ruines elles-même, et pas juste se balader dans la rue.

Le soleil tapait à présent sur les ruines de Tokyo, donnant à l’air cette odeur si particulière des pierres chaudes portée par le vent. Seraphine marchait, indifférente aux bruit des oiseaux. Elle s’engagea d’abord entre les bâtiments, cherchant l’endroit idéal pour débusquer un racaillou. Elle repéra un vieux supermarché en ruines et s’y engagea : les décennies n’avaient pas abîmé les rayonnages, mais la plupart des produits avaient été dévalisées depuis bien longtemps. Il restait des rayonnages vides mangés par l’herbe et la mousse. Le supermarché était plutôt grand et elle s’y aventura dix bonnes minutes avant de trouver ce qu’elle cherchait : un nid de sabelettes. Evidément, les sabelettes n’aimaient pas être dérangées, mais ce n’était rien de bien difficile pour Sera. Si c’était Sera qui s’y collait évidemment.

”Oh, les mignonnes petites belettes !” s’exclama Finn, qui venait tout juste de récupérer le contrôle. Ça allait être sport. Les sabelettes n’étaient pas contentes d’avoir été dérangées. Elles se mirent à siffler furieusement en montrant les griffes, les crocs, et leur plaques dorsales.

C’est sans s’en rendre compte que Séraphine avait
Glissé avec lenteur en dehors d’Ykito
Et bien que ce matin elle se soit levée tôt
Son cerveau embrumé peinait à s’allumer.

Je m’en rendais bien compte, en volant à côté
Elle paraissait se perdre un peu plus vers la plage
Ce n’était pas, je crois, pour aller se baigner
Ni pour faire des châteaux, elle avait passé l’âge.

Me sentant inutile et ne servant à rien
(à part peut-être à Finn - c’est vrai ! je sers à Finn !)
J’inspectais le pourtours mystérieux des ruines
Cherchant un ennemi - ce qui s’avéra vain.

Il se mit à pleuvoir. Elle ne s’abrita pas.
Elle poursuivit sa route sous une pluie battante
Et ne se rendit compte de son propre faux-pas
Qu’en arrivant transie sur le sable, mourante

Bon, j’exagide un peu ! Elle n’allait pas crever.
Mais elle était perdue sans savoir où aller
Et c’est là qu’arriva le vrai truc improbable :
Des poissons se mirent à tomber sur le sable.

C’était des magicarpes - rien de vraiment brutal
Tant qu’on ne s’en prenait pas un sur la caboche
Manque de bol, Séraphine esquivait très très mal
Et se prit les poissons de façon très très moche

Elle tomba étourdie et je n’y put rien faire
Elle resta là un temps, allongée sur le sol
Puis elle revint à elle et prise d’une rage folle
Se saisit de son SIS abandonné par terre

Et se mit à crier sur l’IA plein de sable
Je ne suis pas humaine - je n’ai donc rien compris
Mais je crois qu’elle tenait le machin responsable
De son manque apparent en instinct de survie

(En vrai, j’ai découvert… Enfin j’ai pas d’couverts
Mais j’ai réalisé dix ou quinze jours plus tard
Que son compte Sunny était à découvert
- Mais pas à des couverts… - à cause d’un batard

D’une IA de Sunrise qui n’avait jamais fait
Le transfert d’argent qu’elle avait demandé
Et c’était pour cela qu’elle était sur la plage
A ne pas trop savoir comment hurler sa rage )

Mais donc, comme je disais, Séraphine était là
Pour gagner de l’argent en chassant du stremon
Elle n’avait pas prévu qu’il en pleuve des tas
Et que ce soit le plus inutile des poissons.

Moi, pendant ce temps, j’aidais mes amis piafs
A bien bien ramasser toute cette nourriture
Et à ne pas se prendre trop de grosses baffes
En collectant des tas de poisson à friture.

Voilà, c’est mon histoire, j’espère qu’elle vous a plus
Mais ça j’en suis certaine, car s’il faut retenir
Une chose, une morale, de toute cette aventure
C’est qu’il a vraiment beaucoup beaucoup beaucoup plu.

Revenons au présent. La météo est calme.
Je suspecte l’humaine d’être deux au lieu d’une
Tout à l’heure elle était tout pleine de rancune
Maintenant elle est douce - c’est une gentille dame.

Cela fait vingt minutes qu’elle veut apprivoiser
Une belette blessée toute en la caressant
Elle lui disant des trucs, en parlant doucement
- La pauvre s’est déjà fait dix-sept fois piquer

Ma maîtresse est très chou, mais elle est un peu bête
Au vu de son état, des piqures de belette
Des morsures et du sang, et des coupures, et tout
La belette est sans doute une sorte de pique-à-chou.

Et voilà qu’elle lui bande une patte et le dos
- Tout en se faisant mordre. Je la comprends pas trop
Espère-t-elle vraiment qu’en lui rendant service
L’animal va cesser ses atroces sévices ?

Mais attendez je crois qu’elle va y arriver
Qu’à force de l’aider l’animal a compris
Qu’elle voulait simplement devenir son amie
Mais oui, oui ! Ça y est ! La bonté a gagné !

Sa belette a fini par se faire attrapper !

Finn avait donc passé une partie de sa matinée à essayer d’approcher une petite Sabelette peureuse et manifestement blessée. Sans grand succès au début, elle avait fini par convaincre l’animal qu’elle ne lui voulait que du bien ; et si ses mains et ses bras étaient maintenant couverts de cicatrices, elle avait finalement une nouvelle recrue dans son équipe.

Elle l’appela Biscuit, parce que son apparence et sa consistance lui rappelait celle de sa marque de biscuit préférée. Il s’agissait maintenant de s’occuper de soigner vraiment le petit animal. Et pour ça, Finn était un peu perdue. Heureusement, il y avait le SIS et ses descriptions utiles. Elle se mit donc à browser son SIS à la recherche d’information permettant de soigner la petite Sabelette abîmée.

“Quand il est humide, ce pokemon va se sécher au milieu d’un volcan.”

Finn relut l’information plusieurs fois. Il n’y avait pas de volcan dans le coin et sa Sabelette n’était pas humide, et même si ça avait été le cas elle ne l’aurait pas jeté dans un volcan. Elle avait déjà entendu ce genre d’histoire de trucs jetés dans des volcans et ça se passait généralement assez mal.

“Si elle tombait d’une grande hauteur, elle se roulerait en boule pour rebondir.”

Probablement ce que celle là avait essayé de faire. Et maintenant elle avait une patte tordue. Super conseil. Elle haussa les épaules. Bon, le SIS ne lui servirait à rien. C’était plein de trolls et beaucoup d’entre eux étaient apparemment employés Sunrise.

En l'absence de meilleure idée, elle lui passa du spray et de la pommade pour pokemon. Avec un peu de chance, elle guérirait vite.

Finn ne voyait pas à quoi servaient tous ces conseils, aussi elle se contenta de poursuivre le soin de la patte blessée. La petite Biscuit semblait ravie de l’attention que Finn lui portait et se mit à ronronner doucement comme un chaton. Ce qui était bizarre parce que les sabelettes ne sont pas vraiment des chatons. Enfin, c’est ce que se disait Finn en finissant d’emballer la petite bête.

La Sabelette étaient d’un coup devenue la meilleure amie de Finn, et il était temps de se remettre en route. Finn voulait soigneusement éviter la plage, car elle y avait eu des déboires un peu plus tôt. Les pluies de magicarpes sauvages lui avait laissé un douloureux souvenir dans le cou - un torticolis qui allait probablement mettre un bon moment à passer. Au lieu de ça, elle s’engagea plus profondément dans les ruines, cherchant un passage vers le dessous. Il y avait probablement des endroits sous le sol, non ? Et vu qu’elle cherchait un raccaillou ou une autre belette, c’était probablement sous le sol qu’il fallait chercher.  

Elle flâna à droite et à gauche, discrètement, essayant d'éviter les pokemons aggressifs pendant au moins trente minutes. Quand soudain...