Old Papers (2/2) [mod]

Elle passa encore quelques heures à fouiller les différentes pièces du laboratoire souterrain, sans réussir à vraiment percer ce qui s’y était passé. Un certain Thomas Stevenson avait travaillé ici - elle avait retrouvé des traces de sa correspondance avec Joana Gottsberg, l’historienne à qui appartenait probablement les ruines trouvées sous sa maison d’édition. Ils participaient tous au même projet : une étude non officielle enregistrée sous le nom de “Mother Metal”, qui s’intéressait tout particulièrement aux pokemons de type Acier ou Electrique. Cobalt avait entendu des bruits de couloir et des discussions passionnées autour d’un verre sur l’existence des pokemons avant le cataclysme - certains scientifiques insistaient sur le fait que les pokemons avaient toujours existé, preuves à l’appui ; d’autres retorquaient que les pokemons étaient apparus avec le cataclysme, preuve à l’appui ; enfin, certains prétendaient que les pokemons ETAIENT le cataclysme. Cobalt n’en savait rien, mais une chose était sure : il y avait eu des gens, il y a très longtemps, dotés de technologies perfectionnées et qui s’intéressaient de près aux pokemons. Il suffisait de lire les échanges.

Elle finit par trouver le générateur d’électricité, celui qui maintenait les issues de secours allumées depuis… Depuis probablement quelques siècles. C’était énorme. Comment la lumière pouvait-elle encore exister après tout ce temps ? Comment cet endroit avait-il tenu, en bon état, pendant que des dizaines de générations humaines vivaient et mouraient ? Elle avait lu quelques papiers sur le sujet, mais elle ne comprenait pas de quoi il était question. Ils avaient utilisé “L’anima” de pokemons électriques, apparemment, mais difficile de savoir ce que ça voulait dire. Le laboratoire dans lequel elle était s’occupait de science dure, Thomas Stevenson était un physicien. C’était surtout beaucoup de calculs en tout genre. Et le générateur d’électricité était une simple grosse boîte qui luisait faiblement. Impossible de savoir d’où venait vraiment l’électricité. Elle soupira. Les peuples qui avaient vécu avant le cataclysme s’y connaissait beaucoup plus en pokemon que les contemporains. Il y avait tellement de science enfouie à redécouvrir… Probablement des tas d’autres labos comme celui-là ; peut-être pas aussi bien conservés, mais il devait y en avoir beaucoup. Il fallait juste les trouver, et en extraire la science comme on presse une orange.

Cobalt le serrait, le serrait, le serrait. C’était un peu désagréable, pensa Lovdisc le Lovdisc, et surtout il ne comprenait pas bien pourquoi la jeune femme était aussi touchée. Il n’avait fait que la tracter sur une trentaine de mètres. Il n’y avait pas de quoi pleurnicher comme elle le faisait.
“Je ne suis pas pokephile mais franchement, toi…”
Ah oui, carrément, pensa Lovdisc le Lovdisc. Cette meuf avait des sérieux problèmes d’attachement. C’était un bon psy qu’il lui fallait. Un bon pokemon psy. Ha ha ha. Combien de temps Cobalt allait-t-elle rester accrochée à lui comme une moule à un rocher ? C’est qu’il se faisait tard et il serait bien rentré dans l’eau agréable de sa pokeball.
Comment en était-ils arrivés là ? Eh bien pour ça, il fallait remonter un peu en arrière…

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Pour Kana le canapé-lit, la fascination des deux jeunes femmes pour l’écran de télévision était intrigante, si ce n’est discutable. Voire même Lovedisc-utable. Non pas qu’elle n’aimât pas ces deux charmants popotins assis sur son cuir d’ecremeuh. Mais comment pouvait-on fixer toute la journée pendant des heures des combats de pokemons sans se lasser ? Là, c’était une championne d’eau, et pour quelque raison que ce soit, Cobalt se cachait les yeux et Mary devait tout lui raconter. Elles avaient des jeux bizarres. Enfin, vu que c’était dans l’eau, c’était probablement des bulles bizarres.

- Là elle a sorti un Tentacruel et le Tentacruel essaye d’emmener le pikachu dans le fond...
- Aaaaah noooon je veux pas vois je veux pas voir je veux pas voir...
- C’est bon le pikachu l’a électrocuté… Ah mais maintenant le Tentacruel s’attaque au dresseur ! Il a le droit de faire ça ?
- Aaaaah nooooooooon...

Et ainsi de suite. (Enfin, vu comment les deux meufs sont sapées, on pourrait dire ainsi deux sweats.)

Bon, remontons un peu moins loin, ce sera plus clair.

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Mary comprenait la peur de Cobalt. L’eau, ça faisait peur. Ce qui était curieux, c’est qu’elle n’avait pas peur de l’eau en général, juste de la noyade. Mary ne comprenait pas trop ça. A chaque fois qu’elle avait essayé d’amener Cobalt à la mer, elle avait refusé catégoriquement de se baigner. Du coup Mary était allée se baigner seule. Mais bon, Cobalt était son amoureuse et elles s’aimaient quand même drôlement beaucoup, du coup ça l’ennuyait pas mal de pas pouvoir se baigner ensemble.

Elle ne savait pas trop quand la terreur de Cobalt avait commencé. Peut-être quand Cobalt était petite ? C’était avant qu’elles soient ensemble en tout cas.

Mais remontons encore moins loin.

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Cobalt avait fini ses photographies et ses prises de notes ; il était temps à présent de rentrer. Elle sortit donc du laboratoire et reprit le chemin de la surface, avec calme et une sûre face. Tout aurait dû bien se passer. Il devait y avoir une petite descente, un tunnel de vingt-trente mètres, puis une grande montée. C’est là que ça avait… Coincé. Si Cobalt avait su observer les signes, elle aurait réalisé que les murs du tunnel portaient des traces d’humidité.

- Wednesday ?
- Oui, [Scientifique] [Cobalt Baath] ?
- Tu m’avais dit qu’il allait faire beau aujourd’hui ?
- Tout à fait,  [Scientifique] [Cobalt Baath].
- Et en ce moment, il fait beau à Wheelfield ?
- Veuillez patienter, je recherche cette information...
Silence.
- Il pleut actuellement sur Wheelfield, [Cobalt Baath]. La pluviométrie est un record annuel ! Vous allez pouvoir...
- Bordel !!! Je vais pouvoir rien du tout ! Je suis cinq mètres au dessus d’une nappe phréatique ! Et tu sais ce que ça fait, une nappe phréatique, quand il pleut ?!!
- Veuillez patienter, je recherche cette information...
- Raaaaaaaah !

De rage, Cobalt failli jeter son SIS par terre. Mais elle se retint. Le tunnel qu’elle devait prendre était sous l’eau. Il allait falloir traverser. Traverser, ou risquer de se faire noyer vivante.

Cobalt n’était pas du tout, mais pas du tout prête*.

*(elle était scientifique)

Et c’est ainsi qu’après avoir été tractée sur plusieurs dizaines de mètres, sous l’eau, par son petit Lovedisc, elle finit par s’échouer sur la rive du… Eh bien la rive du tunnel, si on pouvait appeler ça comme ça. Très heureuse d’être enfin tirée d’affaire et surtout de ne pas s’être noyée. Elle n’aurait pas du tout aimer se noyer. Pas du tout du tout. Bon, personne n’aimait vraiment se noyer, mais Cobalt aurait préféré mourir n’importe comment mais pas comme ça. Enfin Cobalt n’avait pas envie de mourir, surtout, il fallait bien le dire.

Après avoir longuement câliné son petit Lovdisc (celui-ci semblait vaguement agacé, si tant est qu’un poisson sans vrai bouche puisse sembler agacé), elle se hissa sur la pente du tunnel, se frotta la tête avec les mains, sortit son SIS trempé (mais intact, grâce à sa pochette de protection - Cobalt était ce genre de fille), essaya vaguement d’entretenir une conversation avec l’intelligence artificielle qu’elle aimait tant, abandonna, et reprit le chemin de la surface. C’était vraiment une journée de merde. Mais au moins, au moins, elle avait une douche et un peignoir qui l’attendaient à sa chambre. Cette idée suffit à la maintenir debout et à la faire marcher jusqu’à la sortie.

La mer est noire comme le deuil des espagnoles ; noire comme l’humeur des marchands de rêve ; noire comme un dieu du pétrole et peut-être que c’est cela la vérité du jour, c’est cela qui réveilla Cobalt, sur cette plage de sable gris, encore - tu reviens toujours ici, jeune femme, quel que soit les mondes que tu travailles - le soleil heurte à travers la fenêtre ce qu’il te reste de patience ; il fait chaud et tu ouvres tes bras à la lumière pluvieuse ; la nuit s’est levée pour partir, il ne reste plus qu’un ciel décousu de grisaille, pas même un lever de soleil pour dire que le matin a le droit : les matins n’ont plus que le silence. Tu es un automate, un génie de métal, tu cherches un horizon qui ne te ressemble pas. Tu fuis quelque chose, jeune femme, ça ne te rends pas moins courageuse. Chacun fuit, à sa façon. Toi, tu te caches derrière tant de choses. Tu écris pour ne pas te souvenir. Ton monde intérieur se disperse. Qui es-tu vraiment, Cobalt, quand la main sur les poignées de ta moto tu fais vrombir un moteur impossible ? Tu es une chimère, un ingrédient de la toile. Tu marchandes ton existence mais ça ne les dupe pas. Tu es seule sur la route.

Cobalt cligne des yeux. Les tentacules sont plus nombreux ; ils se dressent en circonvolutions mécaniques incantant le soleil. Qui va venir ? Qu’est-ce qui va venir ? Il n’y a ni Parole ni Prophète ; l’apocalypse n’était qu’une affaire de couleur de soleil. C’est cela la vérité, Cobalt, alors que tu te relèves seule sur cette plage d’ambre gris. C’est cela la vérité. La vérité est dans le papier, patient, que tu effeuilles tout au long de la route.

Cobalt cligne à nouveau des yeux. Elle respire l’odeur de la brume, mais la brume n’a pas d’odeur. Il n’y a rien à voir qu’un horizon gris barré de roches grises : et çà et là les appendices du monstre. Elle ne va pas se battre ; pas cette fois. Elle va observer. Observer et collecter des indices, des bouts d’informations, des choses abstraites même. Pour être sûre.

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Le matin se lève et Cobalt se réveille avec encore dans la bouche et dans les yeux le rêve de la nuit. Plus elle avance sur la route qui la même à Holika, plus ses rêve sont étranges. Ils ont quelque chose de prophétique qui lui laisse un arrière goût étrange. Elle ne sait pas quoi en penser. De toutes façons, elle doit reprendre la route. Elle a vu ce qu’elle avait à voir ici ; ça ne sert à rien de traîner.

Cobalt se leva donc aux aurores, les rêves de la nuit encore collés aux paupières. Ses rêves devenaient de plus en plus étranges avec le temps, de plus en plus décousus, de plus en plus métaphoriques. Elle ne savait pas très bien quoi en faire.

Elle prit un petit déjeuner dans la grande salle du motel, entourée de marchands de passages et de routiers. Elle même était plutôt de la route à présent. Puis après s’être bien rempli le ventre et avoir écouté plus d’anecdotes sordides qu’elle ne l’aurait voulu, elle mit son sac à dos, rendit la clef à l’entrée et sortit sur le parking. Un soleil tapait haut sur Wheelfield. Ça allait être une bonne journée.

Elle se dirigea vers sa moto, l’enjamba, et démarra le moteur. Direction : Deadly Borrow. Et peut-être plus d’informations sur la Mère de Métal, en tout cas elle l’espérait. Si ses calculs étaient bons, il devrait y avoir un autre labo là-bas. Un labo avec nettement plus d’informations sur les générateurs d’énergie par anima. Ensuite, ce serait Holika. La ville qu’ils appelaient “Kansas City” dans les logs. Et la réponse à toutes ses questions, elle l’espérait.


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