Hidden Sun [spec] [conflit]

Après avoir exploré les alentours de Landmark 81, Dystopie dut se rendre à l’évidence : il n’y avait pas d’entrée pratique. Elle allait devoir escalader. Elle soupira. Il fallait toujours qu’elle se retrouve dans des situations pas possible quand il s’agissait de Sun Cheong. Ce n’était pas la première fois.


Aurore se souvenait très bien de ce jour-là. Elle était perchée sur l’épaule de sa maîtresse quand celle-ci avait proposé à Anarchie d’aller à la plage. C’était un jour de septembre ou d’octobre, elle ne se souvenait plus bien, mais le ciel était légèrement couvert.Elle avait juste pris la main d’Anarchie et lui avait dit “Archie, aujourd’hui on va se baigner !”

La relation entre Anarchie et Sun était un mystère pour Aurore. Archie suivait toujours Sun partout où elle allait, mais c’était pourtant souvent Sun qui lui lançait des regards. Sa maîtresse aimait beaucoup Anarchie. Elle ne savait pas pourquoi : la jeune fille était plutôt banale. Mais elle était gentille. Une fois Aurore était allée se frotter à elle et Anarchie avait dit : “Oh nooon, ce petit piah ! Je ne suis pas pokephile mais franchement, quel amour de petit piah…”

Aurore avait l’habitude qu’on s’extasie sur elle, mais Anarchie l’avait fait avec tellement de bonne foi et de mignonnitude qu’elle en avait été touchée. Presque.

Quand Sun et Anarchie étaient parties à la plage, en revanche, elle avait bien senti que quelque chose risquait de tourner mal. Et ça n’avait pas loupé.


Le pantalon de Sun Cheong se souvenait très bien de ce jour-là aussi. En tant que pantalon, son boulot dans la vie n’était pas de réfléchir : mais même lui avait remarqué que le ciel était couvert, et que par conséquent ce n’était pas exactement le moment d’aller à la plage. Mais Sun Cheong était comme ça, il avait l’habitude. Evidemment, il n’avait pas fallu trente minutes pour que l’orage éclate - et moins de cinq autres pour qu’il soit trempé et méconnaissable. Et le pantalon de Sun n’aimait pas être trempé et méconnaissable.


Anarchie se souvenait très bien de ce jour-là également. L’orage avec éclaté alors qu’elles allaient s’installer sur la plage - c’était une petite plage où personne ne venait jamais. Sun avait rigolé et elle avait couru vers les arbres, et Anarchie avait suivi, parce que c’est toujours ce que faisait Anarchie : elle suivait Sun. Elles avaient couru entre les arbres, longé des parois de roche - la formation rocheuse du coin était un peu chaotique. Et puis finalement, elles avaient trouvé une caverne ; c’était plutôt un trou qu’une caverne, mais elles s’y étaient abrités.

- Eh Archie ! Viens voir ! Il y a un passage !

Il y avait effectivement un passage dans la petite caverne, et les deux jeunes filles s’y faufilèrent. La faille dans la roche courait sur une vingtaine de mètres ; elle durent s’accroupir plusieurs fois. Un homme adulte ne s’y serait probablement pas débrouillée, mais elles étaient encore jeunes et fines.

Au bout du tunnel, un spectacle incroyable les attendait. Il y avait une caverne, une énorme caverne donnant sur la mer. Avec une plage.

- Archiiiiie ! Regarde ! C’est un repaire de pirate !

Un repaire de pirate, peut-être pas. Mais c’était carrément classe, Anarchie devait le reconnaître. C’était une petite plage de vingt mètres de long, caressée par des petites vagues ; l’eau rentrait par un petit trou dans la caverne qui devait faire trois mètres sur trois. La lumière grise de l’après-midi y filtrait comme une magie sauvage, passant les gouttes de pluie pour éclairer la plage privative. Sun était euphorique. Le fond de la caverne était recouvert de peinture : des hommes étaient déjà venus ici. Mais qui s’était amusé à peindre sur les murs ? C’était des graphies et des lettres étranges, qui devaient dater d’avant le cataclysme. Des tags plutôt jolis, avec des images variées d’animaux et d’objets.

- C’est vrai que c’est pas mal.

Sun enleva immédiatement ses habits et se retrouva en maillot. Anarchie fit de même, et elles les mirent à sécher sur le sable. Elles s’assirent à côté. Et elles discutèrent. Pendant des heures. Il ne faisait pas froid. Elles se baignèrent aussi.

Dystopie ne se souvenait plus de ce qu’elles s’étaient racontées, là, dans cette caverne étrange coupée du reste du monde, mais ça restait un de ses meilleurs souvenirs. La tendresse qu’elle avait pour Sun, la profonde tendresse qu’elle avait pour elle s’était beaucoup ancrée dans ce jour-là.


C’était son tour de garde et Shizuru s’ennuyait ferme. En tout cas, elle s’était ennuyée ferme. Jusqu’à ce qu’elle tombe, par hasard, sur une jeune femme qui semblait perdue. Une jeune femme qui n’avait rien à faire là. Elle était restée à distance un moment, pour l’observer ; elle ne semblait pas représenter de danger mais c’était une dresseuse. Il valait mieux être prudent.

Elle l’avait donc observé pendant cinq bonnes minutes, farfouillant autour du bâtiment, se perdant dans ses pensées : et puis à un moment, elle avait commencé à vouloir escalader le bâtiment. Et ça, c’était pas possible.

- Eh là !

La voix avait retenti derrière elle et Dystopie s’était glacé sur place. Merde, merde, merde. Pourquoi il fallait toujours qu’il lui arrive des crasses ? Elle cessa sa tentative de grimpage et se laissa tomber sur le sol pour faire face à l’intruse. Enfin, c’était elle l’intruse. Et la femme qui l’avait abordée, c’était une garde, accompagnée d’un gigantesque Colossinge. Ouille. Ça allait mal finir. Dystopie sortie immédiatement Mako, ce qui n’arrangea pas les choses. C’était le choix le moins diplomatique mais le plus sur.

- J’imagine que je ne peux pas vous convaincre en vous disant que je ne suis que de passage ?

La garde fronça les sourcils et intima à son Colossinge d’attaque. Mako et lui se foncèrent dessus dans un éclair de flamme et tombèrent au sol, tous les deux sonnés. Outch. Le combat allait être rapide, et Dystopie n’était pas sure d’avoir l’avantage.

- Des espions comme toi, on en voit tous les jours, gamines. Crois-moi, tu perds ton temps...

Et le Colossinge se releva pour charger à nouveau. Mako se releva, mais avec un peu plus de mal. Dystopie prépara immédiatement la ball d’Arbok. Il n’y avait aucune chance que ça finisse bien.

Et ça ne finit pas bien. Un direct du poing violent du Férosinge envoya Mako dans les puissants, et Dystopie eut peur un instant qu’il lui ai brisé la nuque. Mais le petit singe paraissait juste assommé, aussi Dystopie le rappela rapidement et failli invoquer Ibara, mais elle se ravisa. Le singe était presque K.O. mais il pouvait encore se battre. Si il mettait Ibara au tapis c’était fichu. Mieux valait envoyer un pokemon plus solide.

- Vous ne me rendez pas la tâche facile quand même...

Et sans attendre de réponse, Dystopie invoqua Inei. La tortue était devenue énorme. Ce n’était plus le petit pokemon mignon qui agaçait parfois Dystopie : maintenant c’était un monstre. Et c’était une bonne nouvelle, car c’est de monstres dont elle avait besoin.

- Inei ! Finis-le !

Inei fonça sur le Singe. Elle espérait qu’ils ne faisaient pas trop de grabuge, car elle n’apprécierait pas devoir se battre contre davantage de gardes. Une seule suffisait amplement : les pokemons du coin n’étaient vraiment pas faciles.

Elle savait qu'Inei avait tendance, depuis sa transformation, à absorber la vie de ses victimes. Avec un peu de chance cela lui permettrait de temporiser.

La garde dissidente ne se démonta pas.

- Tu te bats bien, intruse. Qu’est-ce que tu cherches ici ? Qui te payes ?

Dystopie la regarda d’un oeil calculateur. Mentir, dire la vérité ?...

- Personne ne me paye. Je cherche juste quelqu’un.

La garde eut l’air légèrement dubitative, mais elle passa outre son incrédulité.

- Ça fait loin pour chercher quelqu’un. Tu cherches qui ?

Autant dire la vérité. Elle arriverait peut-être à glaner quelques informations.

- Une femme qui s’appelle Sun Cheong. C’est une amie d’enfance.

La garde rigola.

- Une amie d’enfance, hein. Comme c’est pratique. Pourquoi tu n’es pas allée la voir directement en passant par l’entrée principale ?

Dystopie n’avait pas de vraie réponse à ça. C’est vrai qu’elle aurait pu essayer. Mais bon.

- Je ne suis pas sûre qu’elle soit là. Ou qu’elle ait envie de me voir.

C’était une réponse honnête, au moins. Et vu le comportement de la garde, elle avait des raisons de penser que Sun était bien ici.

La dénommée Shizuru semblait amusée par l’échange. Elle observait Dystopie avec un air de vif intérêt - ce n’est pas le genre de discours auquel elle s’attendait de la part d’une espionne. Elle commençait à douter que la fille soit vraiment une espionne : personne ne pouvait mentir aussi mal. C’était tellement improbable que c’était peut-être bien la vérité.

- Il y a bien une Sun Cheong ici, ce n’est pas un secret. De taille moyenne, les cheveux blonds tirant sur le chatain légèrement bouclés. C’est elle ?

Le coeur de Dystopie manqua un battement. Elle ne s’était pas trompée. Sun Cheong était là. Il fallait qu’elle plie ce combat le plus rapidement possible et qu’elle la trouve. Elle ne pouvait pas être loin. Elle était probablement une des dirigeantes de ce gigantesque bordel de tour et de ville et de fleuve…

- Oui c’est elle. J’imagine que je ne peux pas vous demander poliment de me laisser passer.  

La garde rigola.

- Non. Je peux t’amener à elle. Avec des menottes et après avoir confisqué tes pokeballs. Si c’est vraiment une amie, tu ne risques rien, hein ?

L’idée ne plaisait pas vraiment à Dystopie. Elle n’avait pas évité la prison à Ykito pour finir en prison ici.

- Euh, c’est gentil mais je vais décliner je crois.

La garde haussa les épaules en entendant la réponse de Dystopie.

- Tu ne me laisses pas le choix, du coup.

Non, pensa Dystopie. J’imagine que non. Mais ça n’avait pas d’importance, car elle n’avait pas l’intention de faire des vieux os ici. Alors qu’Inei le Boskara se perdait dans un duel assez inutile contre un gros poisson, Dystopie mit les voiles. La garde ne s’en rendit pas compte de suite car le combat faisait rage, mais Dystopie était passée maîtresse dans l’art de planter ses pokemons quelque part en leur laissant faire le sale boulot et de s’en aller. Elle avait failli plus d’une fois en perdre un. Mais elle avait toujours fini par les récupérer, et elle était sure qu’Inei saurait trouver le chemin de sa pokeball même si sa dresseuse était partie à cent mètres de là. L’animal était malin, surtout quand il sentait que le combat tournait court. Or donc Dystopie profita d’une attaque un peu plus virulente que les autres pour se tailler à toute vitesse, enjambant les gravats, se perdant dans la végétation.

- Eh qu’est-ce que tu...

Mais c’était trop tard. Dystopie galopait déjà en périphérie de Landmark 81, évitant les gardes dont elle avait parfaitement retenu le pattern.

L’avantage d’Inei, c’est qu’il était idéal pour résister longtemps aux attaques adverses ; c’était devenu une espèce de petit tank, et ça tombait bien car Dystopie n’avait pas d’autre option pour gagner du temps. Inei s’en tirait bien et la tortue retrouverait probablement son chemin - enfin elle l’espérait. Elle n’était pas très loin de toutes façon. Il fallait qu’elle trouve un endroit pour grimper qui soit à bonne distance des gardes, et de cette garde-là en particulier. Shizuru s’était montré un peu trop curieuse et risquait d’aller prévenir Sun Cheong immédiatement après le combat, qu’elle gagne ou qu’elle perde. Dystopie ne se voyait pas trop éliminer la garde ; elle ne lui avait rien fait, s’était montrée plutôt sympathique et lui avait donné un bon coup de main.

Alors qu’elle faisait le tour du bâtiment, elle remarqua un passage possible dans la pierre. Le bâtiment avait été fissuré et abîmé au fil des siècles ; les racines et les générations de plantes avaient laissé des marques. Il y avait un petit passage simple à grimper, entrelacé de racines et de lierres. A l’abri des regards ; idéal pour passer au niveau supérieur. Ça ferait l’affaire.

Elle traversa discrètement (enfin, plus discrètement qu’avant elle l’espérait) la zone boisée qui la séparait du bas de la tour, batailla silencieusement avec des lianes et des fougères qui refusaient de lui faire de l’espace, puis arriva au mur craquelé. Un gros arbre à moins d’un mètre lui donnerait les appuis dont elle avait besoin et la cacherait aux regards des gardes. Après avoir vérifié que tout était en place, elle commença à grimper. Il n’y avait que deux mètres ou trois à faire, mais la grimpette restait tout de même périlleuse, et puis ce n’était pas vraiment son fort, l’escalade. Au bout de deux mètres elle transpirait déjà à grosses gouttes. Au coeur de la jungle de Sewari, en cette “saison” - si tant est que la jungle ait des saisons -, il ne faisait pas exactement frais. Elle insista, insista, puis finit par atteindre le rebord et se hissa en grognant sur le toit. Pfouh. Elle avait réussi. Le reste devrait s’avérer plus simple. Il fallait d’abord qu’elle récupère son pokemon en train d’agoniser, et qu’elle distraie la garde avec un autre plus solide. Il lui restait Ibara. Elle sourit, un peu méchamment. Ibara ferait parfaitement le job.

Elle longea donc le rebord, à moitié baisser, pour gagner un endroit d'où elle verrait le combat.


[/quote]

Et en effet, ce fut un jeu d’enfant. Shizuru ne sembla pas préoccupée par la disparition du pokemon, peut-être car son propre pokemon rendit l’âme au même moment ; mais elle sembla un peu plus ennuyée par l’apparition du gigantesque serpent. Elle sortit immédiatement un Hypnomade, un pokemon psy de moyenne efficacité ; elle avait l’avantage du type contre le serpent, mais Ibara n’en était pas à son premier combat. Comme souvent, Dystopie n’avait pas à lui donner d’instruction. Il suffisait simplement qu’elle envoie Ibara, et Ibara savait toujours quoi faire, sous quel angle attaquer, comment gérer. Des fois elle soupçonnait le serpent d’être plus intelligent qu’elle. Mais cela faisait son affaire. Une première morsure toucha l’hypnomade au flanc - il trébucha et chancella. Une deuxième morsure le toucha au bras ; il poussa un petit couinement effrayé et s’effondra. Shizuru claqua de la langue, irritée. Elle avait perdu. De toutes façons, perdu ou gagné, Dystopie s’en fichait : tout ce qui comptait c’était de réussir à infiltrer les étages, et elle avait réussi. La victoire n’était qu’un petit bonus. Elle espérait que les pokemons de la garde s’en tireraient : une fois n’est pas coutume, elle ne voulait de mal à personne.