Sea Patrols [spec] [conflit]

Dystopie avait réussi à se débarrasser de la détective par des moyens dont on taira les détails - un savant mélange de roublardise, de séduction et de chance lui avait permis d’échapper à l’inquisition japonaise. Elle était à présent à bord d’un bateau à destination de Hikarin, enfin théoriquement, si tout se passait bien.

Evidément, tout n’allait pas se passer bien. Elle avait acheté son ticket avec l’argent de Sun Cheong, puisque c’était à présent son SIS qu’elle utilisait, le sien ayant grillé. Sun Cheong n’avait pas essayé de le récupérer, c’était le plus curieux : il y avait pas mal d’argent dessus mais elle l’avait laissé à Dystopie. Un cadeau de départ ?

Elle s’était installé tranquillement dans un des nombreux fauteuils et s’apprêter à piquer un somme quand des rangers de la Sunrise étaient entrés. Ils cherchaient quelqu’un. Ils demandaient l’identification de tout le monde, mais ils regardaient surtout le visage. Aïe.

Dystopie se glissa hors de son fauteuil et se dirigea vers les toilettes, sans se faire remarquer. Les toilettes, c’était toujours le bon plan pour esquiver les contrôles gênants.

Elle parvint aux toilettes sans encombre et s’enferma dedans à double tour. Bon. Plus qu’à attendre que le trajet passe et ça devrait aller.

- Dystopie, j’ai une mauvaise nouvelle…

Dystopie soupira. Evidémment. Une mauvaise nouvelle. Elle manquait de mauvaises nouvelles. Elle se tourna vers le petit hologramme de Someday et le dévisagea avec lassitude.

- Oui ? Qu’est-ce qui se passe ?

L’IA prit une profonde inspiration.

- Votre portrait-robot vient d’être distribué à tous les centres de rangers du pays. Apparemment Sun Cheong n’est pas restée inactive… “Vol de secrets technologiques, hacks de database, espionnage militaire…”  La liste n’en finit pas.

Dystopie la regarda avec des yeux rond. Merde. Qu’est-ce que Sun foutait avec le Porygon… C’était de pire en pire.

Alors qu’elle se morfondait, des pas retentir dans les toilettes et on toqua à la porte.

- Pardon de vous déranger ! Rangers Sunrise ! C’est pour un contrôle de routine !

Meeeeerde. Merde merde merde. C'était le bouquet. Ils l'avaient répérée. Elle allait devoir se battre.

Les rangers toquaient à la porte de façon insistante. Elle allait devoir sortir, et il allait falloir qu’elle la joue fine. Elle n’avait pas envie de finir avec des menottes aux poignets, ou pire. Elle savait ce qui arrivait aux femmes en garde à vue - elle avait grandi au milieu des courtisanes. Peut-être qu’elle pouvait tenter un coup de séduction. Sur un malentendu, ça pouvait marcher. Elle sortit la petite Tortue Inei et la prit dans ses bras. Elle était mignonne, ça rajouterait du pouvoir de persuasion. Elle allait inventer une histoire à peu près crédible.

Elle débloqua la porte des toilettes et sortit, pour tomber nez à nez avec un homme grand et roux, bedonnant, qui la fixa d’un air incertain. Derrière lui, une femme à peine plus petite se tenait droite, le regard perçant derrière ses lunettes. Elle n’avait pas l’air SI intelligente, mais Dystopie sentait bien qu’elle ne se laisserait pas avoir. Il fallait tenter quand même.

- Désolée, ma petite Tortue Choupette se sentait mal...

Dystopie avait pris une petite voix. Il y eut un moment de flottement pendant lequel les deux rangers la regardèrent. Est-ce que le bluff allait passer ? Ou pas ?

[Roux, difficulté: 10]
[Lunettes, difficulté: 12]

Le membre 'Anarchie Mephritt' a effectué l'action suivante : Lancer de dés

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'Dé 20' : 4, 20

- Oooooh, la jolie petite Tortue !

La ranger était en extase devant Inei. Malheureusement, le coup de bluff ne marcha pas du tout contre son comparse, qui reconnut Dystopie immédiatement.

- C’est elle ! C’est la fille des avis de recherche ! Pokeball, vite !!

Meeeeeerde, pensa Dystopie. Elle relâcha immédiatement Inei, alors qu’une Démanta apparaissait sur le sol des toilettes. Ce n’était plus le moment de la jouer fine.

Le combat fut bref : La Démanta gagnait largement contre Inei et la petite Tortue se trouva rapidement dépassée par les événements. Alors qu’un tourbillon de feuilles tentait de venir à bout du monstre, Inei fut projeté au sol. La Démanta s’apprêtait à le finir quand soudain…

Inei se mit à chanter. Cette fois le chant était plus grave, comme le vent dans une cave ; comme un grognement sourd. Les combattants s’immobilisèrent. Sous leurs yeux incrédules la Tortue se mit à brutalement doubler de volume, aspirant l’énergie vitale des pokemons à la ronde et grossissant, grossissant, tant et si bien qu’à la fin Inei était devenue une énorme tortue qui raclait contre les murs des toilettes. Dystopie en croyait difficilement ses yeux.

- Votre pokemon [Tortipouss] a évolué en [Boskara], Dystopie. Félicitations.

Dystopie leva les yeux au ciel

- Merci, Someday. Je suis pas aveugle. Il vient de littéralement défoncer les toilettes.

Heureusement l’endroit était exigu : Dystopie pouvait se cacher derrière Inei et les rangers ne pouvaient pas vraiment envoyer plus d’un pokemon à la fois. Cela rendait le combat beaucoup plus simple, encore qu’Inei, malgré son évolution, était déjà bien mal en point. Dystopie nota une réelle différence sous cette forme dans les attaques qu’il utilisait : alors que le Tortipouss lançait des tempêtes de feuilles, une fois évolué en Boskara il semblait principalement drainer la force vitale de ses adversaire. Le Démanta n’était pas en bon état non plus. Ça allait se jouer à peu de choses.

Il fallait qu’elle prépare un remplaçant. Mais qui choisir ? Si elle prenait un pokemon trop petit, elle risquait de se retrouver face à plus d’adversaire que prévu. Mais tous ses pokemons étaient de petite taille… A part Ibara. Le serpent avait bien grossi. C’était sans doute l’occasion de l’évaluer.

Elle prit la pokeball d'Ibara en main et se prépara à la balancer. Elle n'allait pas se faire emprisonner sans au moins livrer un combat honorable.

Victoire. Inei avait absorbé la force vitale restante du Démanta. Celui-ci s’écroula par terre et se fit rapidement rappeller par son dresseur. Celui-là, elle ne le reverrait pas de sitôt. Elle compta ses pokeballs, évaluant ses options. Oui, il fallait que ce soit Ibara. Mais d’abord, il fallait essayer une autre stratégie.

- Hmm… On peut peut-être parlementer ? Il doit y avoir une sortie pacifique à cet affrontement...

L’avatar de Someday clignotta.

- C’est à moi que vous parlez, Dystopie ? Je doute qu’il y ait une solution dipl...

- Non, Someday, je parlais au monsieur là. Tu n’as pas un truc à calculer, ou je ne sais pas ?

L’IA se tut. Mais le dresseur n’avait rien perdu de l’échange.

- On va pas argumenter, gamine.

(Dystopie tiqua mais ne rebondit pas.)

- Tu es recherchée dans toute l’Asie pour le vol que tu as commis.

- Mais je n’ai rien volé !

- Ça ne sert à rien de mentir, on a ta photo sur les caméras de surveillance !

Oui, évidemment, c’était plus difficile d’argumenter contre ça. Dystopie cherchait un truc intelligent à répondre, et vite, mais ça ne venait pas.

Dystopie rappela immédiatement Inei. Il était temps de voir si la stratégie qu’elle avait en tête pouvait porter ses fruits. C’était son plan B, mais qui ne tente rien n’a rien. Bon, des fois, qui tente beaucoup n’a rien non plus, mais bon, l’essentiel c’était de participer. Ou pas. Bref.

Dystopie avait choisi Ibara, mais elle l’avait choisi pour une très bonne raison : elle faisait peur. Très peu. Et sa seule façon de se sortir de ce merdier, c’est à dire de ces toilettes, ce qui est techniquement un peu pareil, c’était de les faire reculer.

- Ibara ! Bouffe leur le ventre !

Et elle visa l’espace entre les deux dresseurs. L’énorme femelle serpent sortit de la pokeball en sifflant et se jeta immédiatement sur les dresseurs qui reculèrent en criant. Ils avaient invoqué eux aussi un pokemon, mais celui-ci était entre Ibara et Dystopie, complètement perdu, ne savant plus ce qu’il fallait attaquer ou pas. Parfait.

- Ibara ! Mords ! Mords !

Le serpent fit claquer ses dents - et le Kapoera ennemi, un brave petit machin simiesque, tenta de protéger ses dresseurs en se mettant en travers.

CRAC.

Le bras du Kapoera se cassa dans un coup sec. Hurlements. Satisfaite, Dystopie couru vers les rangers, les dépassa, et s’enfonça dans un corridor, Ibara sur les talons.

Elle passait décidément beaucoup de temps à fuir, nota Dystopie en dévalant les marches qui menaient au pont inférieur. Le ferry n’était pas trop loin de sa destination finale mais elle doutait que les deux rangers arrêtent de la suivre aussi facilement. Elle entendait derrière elle des bruits de course, comme prévu. Elle redoubla d’effort pour les doubler, mais la course de vitesse n’était pas exactement son fort. Elle aurait probablement pu les semer sur une longue distance, mais en sprint, elle s’essoufflait beaucoup trop vite.

- Si je peux me permettre, Dystopie, madame…

Dystopie leva les yeux aux ciel, ulcérée.

- Qu’est-ce qu’il y a encore ?

L’IA hésita un instant.

- Je crois déceler de l'agressivité dans votre voix, Dystopie, madame…

Dystopie ricanna.

- Sans déconner. T’es vraiment l’IA la plus intelligente que j’ai rencontrée.

L’IA hausse virtuellement les épaules.

- Vous seriez surprise de la difficulté qu’il y a pour une I.A. à distinguer le sarcasme du premier degré, Dystopie, madame. Beaucoup d’humains en sont également incapables.

Dystopie, passablement énervée, ne répondit rien. Elle tourna à un angle et tomba sur le bar du ferry. Il y avait du monde. Tant mieux.

- Vos chances de victoire sont de 36%, Dystopie, mad…

- Oh mais tu vas la fermer oui !.

Dystopie explosa. Les usagers du bar sursautèrent et se retournèrent. Dystopie les passa en courant sans leur accorder d’attention.

- Je m’en bats la race de tes pourcentages à la con ! Fous moi la paix ! Merde à la fin !

L’intelligence artificielle ne rajouta plus rien. Dystopie s’en voulait un peu d’avoir été aussi abrupte, pour ne pas dire méchante, mais bon, à la longue, Someday commençait à lui peser sur le moral. Sans compter que pour l’instant, elle était d’une efficacité toute relative. Elle ne l’aidait pas vraiment dans les combats. Elle était souvent confuse. Et puis… Et puis les intelligences artificielles, ce n’était pas son délire, à Dystopie. Elle préférait ce qui était animal. Charnel. Même si elle devait reconnaître que Someday avait quelque chose d’unique, d’humain presque, elle n’en était pas encore à lui plaire.

Elle déboula sur le pont arrière du ferry sans attirer plus que ça l’attention. Les rangers peinaient à suivre ; le pokemon au bras cassé, en revanche, était toujours là. Le machin était résilient, ça forçait le respect. Bon, Dystopie aurait préféré une issue plus pacifique, mais puisqu’elle en était arrivée là, il allait bien falloir butter le machin.

- Ibara ! Finis-le. Mange-le si nécessaire.

Le serpent se jeta à nouveau sur le pokemon simien, clairement prêt à le finir. Ce combat-là n'allait plus durer longtemps, et Dystopie parviendrait peut-être finalement à s'échapper.



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Ibara ne se le fit pas dire deux fois. Il se jeta sur le petit simien et lui cassa l’autre bras d’un coup de mâchoire ; puis, alors que celui-ci semblait enfin avoir retrouvé l’usage de son instinct de survie et tentait de s’enfuir, il le goba. Plop. Le kapoera passa directement dans l’énorme estomac du serpent, où il commença à se faire digérer vivant. Dystopie n’enviait pas vraiment son sort, mais c’était la loi du plus fort. Et elle commençait à en avoir marre des emmerdeurs.

- Non !!

Le ranger venait d’arriver, juste à temps pour assister à la scène.

- Comment tu… Comment tu oses !

- Désolée, mais je n’ai aucune intention de finir dans les geôles de la sunrise. Si vous faites se combattre des animaux , il faut être prêt à les voir perdre comme des animaux.

Le ranger avait les larmes aux yeux.

- Nous ne sommes pas des bêtes !

Dystopie ne cilla pas.

- Non, vous êtes des hypocrites. Tous ceux qui pensez pouvoir domestiquer des monstres et en faire des animaux de compagnie. Un monstre est un monstre. Une bête est une bête. Un animal est un animal.

Et sans attendre que le ranger invoque un nouveau pokemon, elle donna l’ordre à Arbok de se jeter sur lui. Le serpent, qui connaissait bien son humaine, ne se le fit pas dire deux fois.

Heureusement pour la peau du ranger, sa camarade avait vu venir le coup et le couvrit rapidement. Elle n’avait l’air de n’avoir qu’un pokemon, mais il était nettement plus puissant que les précédents. Un Lainergie - Dystopie en avait déjà entendu parler - apparut sur le pont, sous les cris admiratifs et parfois légèrement anxieux des autres voyageurs. Il allait faloir que ce trajet se finisse rapidement, parce que Dystopie commençait à fatiguer. Et si les voyageurs s’y mettaient ? Bonjour le bordel…

- Someday ! Analyse des pokemons en combat !

Pas de réponse. DystopIe soupira. Pourquoi fallait-elle qu’elle ait la seule Intelligence Artificielle rancunière du monde entier ?

- Tant pis. Arbok ! Bouffe-le !

Le serpent, une fois de plus, ne se fit pas prier : il sauta directement à la gorge du Lainergie qui poussa un cri de frayeur - ou alors se dit Dystopie, c’était peut-être juste la façon qu’avait l’étrange monstre de signifier son aggressivité. Elle allait vite le savoir : Ibara était fatiguée du combat précédent et en pleine digestion. Mako allait probablement devoir intervenir à un moment ou à un autre.

Comme elle le craignait, Ibara était ralentie par sa digestion. Bouffer le Kapoera ennemi était peut-être une bonne idée au niveau du message, mais pas une idée très rentable. Aussi quand Ibara mordit férocement le Lainergie au ventre, elle n’eut pas le temps d’échapper à la décharge de plusieurs centaines de volts qui craqua dans l’air. Elle recula immédiatement, mais le mal était fait : elle chancelait, un peu perdue, incapable de saisir ce qui s’était produit. Fallait-il la remplacer maintenant ou attendre un peu ? Dystopie n’avait pas envie de cramer sa dernière carte tout de suite. Le serpent pouvait encore lui être utile. Elle allait attendre un peu, voir si Ibara parvenait à coller une autre attaque, puis elle aviserait. Si elle était vraiment KO, ce serait vite vu de toutes façons.

Pendant ce temps, le ranger ne décolérait pas, même s’il n ‘avait plus de pokemon en état de se battre.

- Tu vas payer pour ce que tu as fait !

Il criait fort et cela cassait les oreilles de Dystopie, qui par ailleurs n’aimait pas être au centre de l’attention.

- Oh, arrête de geindre. Ton pokemon était faible. C’est la loi de la nature.

Dystopie était vraiment de très, très mauvaise humeur.