Road Trip [mod]

Cobalt avait les pieds dans l’eau claire de l’océan, le regard tourné vers le ciel, ses lunettes de vue rondes lui donnant un air docte, bien qu’elle ne soit pas plus intelligente que quarante-huit heures plus tôt. Elle se sentait même passablement bête. Pour comprendre comment Cobalt, une jeune femme intelligente et sensée en route pour Wheelfield, avait pu se retrouver sur l’île du faune, il fallait en effet remonter un peu le temps.

Quarante-huit heures plus tôt, donc, Cobalt sortait d’un magasin de tech à Swanford où elle avait acheté une batterie portable pour son SIS ainsi que quelques pokeballs neuves, quand elle remarqua que le soir commençait à tomber. Ne voulant pas crécher dans une ville aussi dégueulasse que Swanford (selon ses propres termes), elle s’était dirigée rapidement vers la sortie de la ville, espérant faire une partie du trajet de nuit. Normalement, Wheelfield ce n’était pas SI loin. (là encore selon ses termes, et sa notion très relative de la géographie)

Elle avait donc marché plusieurs kilomètres et le soir était tombé.

Evidemment, elle s’était trompée de sortie et s’était égarée entre deux pilotis. Une erreur qui n’aurait pas prêté à conséquences si elle s’en était rendu compte, ou si elle avait consulté son SIS plus précisément ; mais Cobalt était trop occupée à flâner en regardant Zoé bouffer des insectes. Elle n’avait pris conscience de son erreur que plusieurs heures plus tard, alors qu’elle avait déjà fait la moitié du chemin et qu’il faisait une nuit noire.

Evidemment, c’était un peu tard pour faire demi-tour, aussi elle avait pris la décision de suivre la côte jusqu’à Southern Bay. Mais Southern Bay c’était loin. Vers 2h du matin, épuisée, galérant à trouver son chemin, elle avait décidé de dormir sur la plage.

Evidemment, des pokemons sauvage - un lovedisk et un ecrapince - l’avait attaquée, mais Zoé et Fossoyeur s’en était occupé. Elle avait de fait peu dormi et poursuivi sa route le lendemain dans des conditions difficiles.

Il pleuvait et Cobalt avait maugréé tout du long, suivant la plage et le bord de mer jusqu'à ce qu'elle espérait être Southern Bay.

N’ayant plus de batterie sur son SIS - elle avait oublié de charger la batterie portable et la batterie normale - elle se retrouva à marcher le long de la plage, partant du principe qu’elle allait bien finir par arriver un jour à Southern Bay, et que de là elle pourrait prendre un bus ou quelque chose.

Personne ne la prit en stop car personne ne prenait cette route, aussi la marche dura LONGTEMPS, ce qui la mit de mauvaise humeur. Au bout d’un moment la plage se fit plus fine, elle avançait un peu comme elle le sentait, elle ne savait pas exactement ce qu’elle faisait ni ou elle allait : bref, elle était de plus en plus paumée.

Et c’est ainsi qu’elle avait fini par arriver sur l’île du faune. C’est à dire pas à Southern Bay. Et encore moins à Wheelfield. Elle était légèrement agacée, mais il faisait beau et il y avait la plage donc elle n’avait pas à se plaindre.

Il fallait quand même qu'elle en sorte et qu'elle aille là où elle n'était pas attendue. Elle en avait marre de galérer, aussi elle avait dans l'idée d'acheter une moto.

Alors qu’elle cherchait un moyen de sortir de l’île - c’est à dire a minima de retrouver l’entrée par laquelle elle était arrivée : elle n’avait pas pu atterrir sur une île par hasard - elle tomba nez à nez avec un pokemon étrange. Il avait les pattes d’un zigzaton et la fourrure ventripotente de celui-ci, mais il était rouge et blanc et semblait cracher des sécrétions étranges. Une chimère ? Un nouveau pokemon ? Curieuse, Cobalt s’approcha pour y voir plus clair.

Après avoir mis ses lunettes et s’être approché, elle constata que ce n’était en réalité qu’un zigzaton avec un chenipotte sur le dos. La déception se lut distinctement sur son regard alors qu’elle rangeait en soupirant le SIS qu’elle venait de sortir de sa poche pour prendre des notes.

“JOUR 2 - pour l’instant, rien d’intéressant. Suis tombée sur un zigzaton qui portait un chenipotte sur son dos. J’ai mangé le chenipotte et laissé partir le zigzaton. Toujours aucune trace de sortie sur cette île.”

La science, c'était beaucoup de frustration, lui avait dit sa mère. Pour l'instant, ce n'était pas faux.

Après une ou deux heures à déambuler sur l’île du Faune et à essayer de se repérer grâce au soleil, elle trouva finalement le chemin par lequel elle était arrivée : l’île du Faune était bien une presqu'île, reliée à la terre par une mince ligne de sable qui ne survivait probablement pas aux marées. Encore que les marées n’étaient pas vraiment intense dans le coin : de manière générale, l’amérique du nord ne souffrait pas trop des cycles lunaires. Un peu comme Cobalt, qui n’avait jamais eu de règles douloureuses de sa vie.

Après avoir retraversé le passage dans l’autre sens, Cobalt décida de faire une pause pour entraîner un peu ses pokemons. L’endroit était plutôt propice à l’entraînement : les pokemons étaient d’un type plutôt neutre vis à vis des siens, ils n’étaient pas trop violents, bref, ça devrait dans l’ensemble bien se passer pour le petit lézard. Son Arcko était le principal pokemon qu’elle souhaitait entraîner : il n’était probablement plus très loin d’évoluer et elle avait hâte de voir de quoi une forme plus avancée serait capable.  

Elle fouilla donc la plage, à la recherche d’adversaires auxquels mesurer Zoe. Elle espérait qu’en regardant de plus près son lézard se battre, elle apprendrait quelque chose d’imprévu.

Elle espérait aussi saisir la frontière - le moment liminal qui sépare une évolution d’une autre. Cela la fascinait. Pour certains pokemons, la mue ou le cocon étaient des actes bien étudiés et simples à décrire et à théoriser. Pour d’autre, c’était un acte immédiat, presque magique. Certes, beaucoup de pokemons maîtrisaient des formes élémentaires et possédaient des pouvoirs qu’on pouvait qualifier de surnaturels, tant et si bien qu’on pouvait se laissa aller à cesser d’essayer de comprendre : mais Cobalt voulait comprendre. C’était VITAL. Cobalt détestait ne pas comprendre.

Elle envoya donc Zoé, assistée de Salomé, sa petite Tarsal, à la recherche d’adversaires dignes de ce nom à occire, en espérant trébucher sur quelque découverte improbable.

Dans le pire des cas, le coin était plein de pokemons réputés délicieux gustativement.

Elles tombèrent tout d’abord nez à nez avec un zigzaton, puis un peu plus loin avec un lovdisc. La petite Tarsal n’était pas habituée au combat, et malgré les efforts considérables de Zoé pour la maintenir en vie, les attaques violentes des pokemons sur le pauvre petit humanoïde allaient vite avoir raison de sa résistance.

- Allez Salome ! Courage !

C’était plus facile à dire qu’à faire. Le Zigzaton venait littéralement de la déchiqueter en lui sautant dessus et Cobalt commençait à avoir peur pour la vie même du petit animal.

- Zoé ! Du soutien sur Salome, ou elle va y passer !

Cobalt devenait légèrement anxieuse.

Ce n'était pas si facile d'être dresseuse, surtout quand on commençait à s'attacher à ses pokemons.

Salome n'était pas encore morte, heureusement, mais ça ne saurait tarder...

Cobalt d'impatientait.

- Vite !

Heureusement Zoé n’était pas née de la dernière pluie, comme on disait à Woodmay. (si si on dit ça à Woodmay) Voyant bien que sa petite compagnon était en difficulté, elle bondit avec agilité à son secours et planta ses crocs dans le zigzaton qui hurla à la mort. Ouh, violent, pensa Cobalt. Le zigzaton eut vite fait de s’enfuir, ensanglanté, ne laissant que le lovdisk, pokémon bizarre s'il en est, dont Cobalt savait déjà suffisamment de choses.

- Finissez-le les filles ! J’ai du boulot.

Obtempérant à l’ordre péremptoire de la scientifique en herbe, les deux pokemons se jetèrent sur le petit poisson bizarre et en firent de la friture.

Cobalt était satisfaite. Son voyage s’avérait intéressant et formateur : elle avançait bien.

La petite arcko planta ses crocs dans le Lovdisc et finit d’aspirer sa force vitale. Le poisson tomba, K.O. Cobalt sourit, satisfaite.

- Bien ! On va pouvoir y...

Cobalt s’arrêta au milieu de sa phrase. La petite arcko s’était immobilisée et recroquevillée en boule sur le sol.

- Zoé ? Ça va ?

Une pointe d’inquiétude perçait dans la voix de Cobalt. La petite Arcko ne répondit pas. Au lieu de ça, son corps se mit à briller, briller comme un petit soleil. Le phénomène était très curieux et inattendu et Cobalt l’observa, fasciné.

La lumière se fit plus brillante, aveuglante même ; et après quelque secondes elle se dissipa, laissant Zoé recroquevillée. Mais ce n’était plus une petite Arcko : ses membres étaient plus longs, ses feuilles avaient poussées. Il s’agissait à présent d’une Massko, son évolution connue.

- Wow.

Cobalt était ravie. Zoé avait finalement évolué ! Et quelle évolution. De petit lézard tout riquiqui, elle était devenue un vrai gecko agile et drôlement plus vif qu’avant.

C’était la première fois qu’elle voyait une évolution de près et elle ne pouvait s’empêcher d’être surexcitée à l’idée de tout ce qu’elle avait appris et allait pouvoir apprendre. Elle se mit à griffonner furieusement sur son petit carnet - celui qu’elle utilisait toujours quand son SIS était down, c’est à dire toujours.

Elle dessina griffona, et pendant ce temps Zoé continuait à massacrer la population locale de pokemon, impunément.

Quand elles eurent fini toutes les deux, elles se remirent en route, direction : Southern Bay.

Cobalt avait hâte de voir de quoi la fameuse ville portuaire la plus grande d’amérique du nord avait l’air.

Et puis elle achèterait une moto. Elle avait vraiment envie d’une moto.

Southern Bay était une ville gigantesque, probablement la plus grande d’Amérique du Nord ; il y transitait des marchandises venant de tous les coins des amériques. Tout ce qui ne passait pas par l’Outlander passait à Southern Bay. Cobalt y trouva les piles qu’elle pensait à l’origine acheter à Wheelfield.

Il y avait des bars aussi - il y avait même un bar lesbien et ça valait la peine de s’arrêter un peu. Elle s’attarda donc plusieurs jours à Southern Bay. Elle rencontra Mary, une étudiante en bio-informatique assez dark et sexy, ce qui fit qu’elle s’attarda encore plus. Les semaines passèrent en un clin d’oeil.  


Elle aurait probablement fini par rentrer à Woodmay si elle n’était pas tombée, au détour d’une promenade, sur un hangar désaffecté en périphérie de Southern Bay, près des quais. Curieuse comme souvent avec les vieux bâtiments, elle jeta un oeil à l’intérieur et ce qu’elle y découvrit changea ses perspectives.

Il y avait des vieille salles pleines de moisissures et beaucoup de vieux papier, certains encore utilisables ou lisibles. Et au milieu de tout ça, une gigantesque salle pleine de machines. Cobalt s’approcha. C’était rouillé et ça ne fonctionnait plus depuis longtemps, mais en examinant l’ensemble de plus près, l’usage était clair. Il s’agissait de presses. Des presses à papier.

Il fallut un mois à Cobalt pour reconstituer le plan du bâtiment et des machines ; puis trois autres mois pour faire tourner la première machine ; il lui fallut encore six mois pour trouver des financements, monter les projets, embaucher une ou deux personnes.

Un an plus tard, elle avait vingt-cinq ans et elle était à la tête de la première maison d’édition d’amérique du nord et peut-être du monde, “Soleil d’Encre”, avec plusieurs ouvrages édités à plusieurs milliers d’exemplaires. Les affaires marchaient bien. Il faut dire qu’elle était à peu près seule sur le marché.

De jeune voyageuse inconnue elle était devenue une scientifique reconnue, avec plusieurs pokemons rares (dont un Iguolta qu’elle croyait être seule à posséder), un boulot de rêve et une magnifique moto. C’était surtout la moto qui impressionnait les filles, mais bon, bien qu’elle soit polyamoureuse, elle aimait quand même beaucoup Mary et avait du mal à s’intéresser à qui que ce soit d’autre.

C'est une découverte dans le sous-sol de son propre bâtiment qui allait changer complètement sa vie et lui donner un tour inattendu.

A vrai dire, elle avait passé plusieurs mois à réparer les machines, recréer les logiciels, renforcer le bâtiment, prévenir les fuites… Bref, retaper l’ensemble pour préparer le bâtiment à la naissance et au développement d’une réelle entreprise. Et durant tout ce temps, elle n’avait jamais réalisé qu’il y avait un sous-sol. A sa décharge, il n’avait qu’une seule entrée, murée, et recouverte. Elle aurait pu ne jamais s’en rendre compte, si au moment de poser des nouveaux parquets, une brique ne s’était pas défaite dans la partie murée du sol.

Curieuse, elle avait descellé l’ensemble, libérant un escalier poussiéreux plein de gravats qui descendait plusieurs mètres sous le niveau du sol. Pas d’humidité, de bestiole ou de pokemon : ça aurait pu être un bunker abritant les restes d’une civilisation perdue ou un laboratoire secret de quelques firme avant-gardiste cherchant à prévenir l’apocalypse annoncée. Mais non. C’était juste un bête sous-sol, à première vue. Très étanche.

Elle s'y engagea donc, curieuse de voir ce qui l'attendait là dessous.