#11 - Première Chasse [spec]

L’abandon. La main qu’on tient jusqu’au matin. La solitude du jour qui se couche, encore et encore, qui fait son lit sans lune ; toujours la même, les lunes qui vont et qui viennent - l’impression de n’être qu’un jeu dans les mains d’un autre. Se réveiller tremblante dans les nuances de gris, dans la pluie des après-midi de juin, comme un vieux film français à se regarder dans la vitre, à soupirer - la solitude du jour qui se couche, encore et encore.

Joan était seule, ce n’était pas un scoop. Elle dormait mal. Elle se réveillait souvent. Aucune main ne venait caresser son visage, la nuit ; aucune main ne l’accompagnait jusqu’à l’aurore. C’était peut-être ce qui l’avait rendue aussi difficile à vivre. Ou peut-être avait-elle toujours été difficile à vivre. Certaines personnes grandissaient ; d’autres se brisaient. Joan faisait partie de celles qui avaient, sans doute, toujours été de bric et de broc.

Mais quand elle se réveilla pour la troisième fois cette nuit-là, alors que le jour se penchait sur les fenêtres, elle trouva Neige endormie, assise à côté de son lit, sa main tenant la sienne. Et quelque chose de différent s’alluma dans la poitrine de Joan.

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Elles avaient dormi dans un hotel de la banlieue nord de Luan Zhen. Elles s’étaient levées tôt et préparées avec précaution. Anna était loin d’être opérationnelle et Manaus devait passer pas mal de temps derrière elle à la coacher. C’était donc sur les épaules de Neige et de Joan que reposait principalement la mission du jour.

Un Dominant avait été repéré non loin de Luan Zhen, près de Yuuren. Pas un coin idéal, mais il fallait s’en charger. Les rangers devaient donc s'y atteler, et ça tombait bien : la Compagnie Manaus cherchait du travail.

Les quatre femmes se dirigèrent donc vers les marécages boueux bordant Yuuren, avec pour objectif de jouer à pokemonster hunter traquer la bête.

Aujourd’hui est une bonne journée pour se balader dans les marais de Yuuren. La visibilité est bonne, comparée à d’habitude, la brume arrivant à la hauteur de votre mention, vous obligeant à fléchir un peu les genoux pour y voir quelque chose. Les sentiers sont presque propre, vous laissant un peu (beaucoup) de boue à chaque pas ne serait-ce qu’un peu à l’écart du tracé.

Des bassins d’eau stagnante parfument votre randonnée dans ces terres hostiles, mais contrairement à votre dernière visite, il y a bien peu de bruits ambiants. Le calme des marais rend l’ambiance triste et glauque, comme s’il manquait quelque chose.

Vous vous déplacez tant bien que mal dans ces (excellentes) conditions pour votre chasse matinale. Un premier bruit vous interpelle. Des couinements, répétitifs? Ah non, des pleurs! Vous vous dépêchez jusqu’à la source du bruit, une jeune fille assise dos contre un arbre, ses mains dans le visage. Elle répète sans cesse : « Elle l’a mangé...Elle l’a mangé...Elle l’a mangé ». Peu importe ce que vous lui dites, elle semble dans une sorte de transe, les larmes coulant sur ses joues. Derrière l’arbre, vous apercevez quelques uns de ses pas, estampillés dans la boue.

Vous prenez donc le chemin inverse de ce qu’elle a fait, jusqu’à ce que vous arriviez à une séparation dans le sentier, celui de gauche ayant subi les dégâts de plusieurs intempéries, difficile praticable, et celui de droite, tout beau, tout propre, sauf les deux traces de pas (plus grands) qui vont dans le même sens que vous allez.

À droite, à gauche, la Compagnie Manaus s’arrête pour prendre une décision cruciale.

Joan avait observée Neige, encore à moitié endormie elle-même, les bras marqués de griffures et la mâchoire endolorie d’avoir trop serré les dents. Neige l’avait recueillie et la protégeait en dépit du bon sens - pourtant c’était celle qui ressemblait le plus à un animal adopté. La joue posée sur le lit, attendant le réveil de l’autre - qui était l’humaine et qui était la bête ? Neige était un félin qui vivait en meute ; la solitude lui était aussi naturelle que désagréable.

Dans le sucre encore chaud du soleil levant, Joan sourit. Elle leva sa main et doucement, caressa la tête de Neige. Neige ne ronronna pas. Dommage.

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“Mon expérience de chasseuse est formelle : il faut aller à droite.”

Anna rit doucement.

“Là où il y a des énormes traces ? Qu’est-ce qu’on ferait sans ton incroyable expérience, Neige !”

Neige hocha les épaules.

“Des fois la réponse la plus simple est la bonne. Gardez l’oeil ouvert, c’est un Dominant. De tous les monstres, ce sont ceux qui en mérite le plus le nom. ”

La compagnie s'engagea donc prudemment dans le chemin de droite, s'attendant à se faire attaquer à tout instant.

Le fameux chemin de droite est, au départ, très linéaire. Mais il revient rapidement sinueux et débouche sur une série de petits sentiers étroits, comme une toile d’araignée qui s’étend dans la forêt. Mais bon, pour y voir de la beauté, il faut un peu pousser...et se pencher, comme la brume semble descendre de plus en plus. Vous vous aventurez donc dans le dédale, devant rattraper Anna à plus d’une reprise pour ne pas qu’elle glisse dans les mares qui séparent les sentiers. Vous savez, au fond de vous-même, qu’une chute dans l’eau ralentirait votre expédition...et voir même vos chances de trouver le dominant tant recherché.

Puis, une nouvelle trace. Ou du moins, un passage visible du dominant. Vous arrivez dans un zone de carnage, les sentiers remplis d’éclat d’écorce. Les plus petits arbres ont été tranchés net, leurs parties supérieures flottants tristement dans les mares environnantes. Les plus gros arbres, ceux dont la cime se perd rapidement dans la brume, porte des entailles impressionnantes, un peu comme le dos d’un esclave fouetté. Par le genre de fouettage kink. Le genre de fouettage qui redresse le monde.

Aussitôt, l’air vous semble plus lourd. Comme s’il y avait quelque chose qui s'infiltre dans vos narines à chaque bouchée d’air nauséabond. Vous déboucher enfin sur un chemin un peu plus large, ou plutôt, un chemin creusé au centre par une créature qui s’est traînée au sol, créant un sillon derrière elle. Ce qui facilite la traque, certes, mais pas vos pas dans ce terrain irrégulier.

Au loin, entre deux arbres, les yeux de Neige perçoivent du jaune pendant un instant. Quelque chose de gros se traîne au sol, et saccage la forêt des Marécages de Yuuren. Mais lorsque vous arrivez sur place, le sillon au sol s’est arrêté...et pas de jaune en vue.

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Si on jouait à Guess Who, quel nom de Pokémon crieriez vous pour la victoire?

La forêt était saccagée. Des violent coups de griffes avaient défoncé les murs, et une odeur nauséabonde régnait. A la vue du carnage, le petit groupe s’arrêta un instant.

“Qu’est-ce que c’est que ce truc...” souffla Anna, interdite,  “Quel animal peut bien faire un carnage pareil ?”

Neige se baissa, renifla le sol, observa les environs.

“Mmm, c’est dur à dire.” Elle regarda de plus près les marques profonde dans les arbres. “Il y a eu un combat. Plusieurs. Vu la taille des griffes...”

Elle marqua un temps.

“... il pourrait s’agit d’un Sablaireau. Un dominant de grosse taille. Mais si c’est un Sablaireau, il peut être n’importe où.”

Elle semble soudain sur ses gardes.

“Y compris sous nos pieds.”

La tension monta immédiatement au sein du groupe, qui se prépara à une attaque imminente.

Lorsque la Compagnie Manaus arrive sur le lieu, ou tout près, du suspect jaune, il n’y a plus rien. Des feuilles sont tombées au sol, mais rien d’autre ne jonche ce dernier. Même pas un trou. Au-dessus de vos têtes, encore plus de brumes. Puis, vous entendez du bruit. Vous cherchez la source, gauche, droite, en bas, surtout si un Sablaireau.

Mais le bruit se passe au-dessus de vos têtes. La créature, dissimulée dans une épaisse couche de brume, s’élance d’arbre en arbre, fuyant vers le chemin. Vous vous apprêtez à la suivre, mais la première chasseuse s’arrête brusquement, un jet de feuilles acérées frappant le sol à quelques centimètres de ses pieds.

Vous vous mettez donc à poursuivre votre cible, qui semble prendre la fuite par les airs, voyageant dans la brume. Mais le chemin que vous suivez est raboteux, boueux et glissant, il est difficile de suivre la cadence, et juste au son, vous perdez rapidement votre cible.

Mais deux minutes plus tard, vous entendez à nouveau des sons au loin, dans les airs. Vous accourez donc jusqu’à la source du bruit, mais il n’y a plus rien.

Sauf la moitié du corps d’un enfant, à moitié digéré.

Et plus aucun son.

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On fait une seconde tentative de Guess Who, future(s) Ranger(s)?

Pas de trace de Sablaireau pourtant : la cible se déplaçait dans les airs. Neige regarda ses collègues, dans l’incompréhension la plus totale. Qu’est-ce que c’était que ce truc ? Joan lui rendit son regard et sourit.

“C’est un joliflor. Enfin, probablement un Empiflor.” dit-elle simplement.

Neige la regarda, curieuse.

“Qu’est-ce qui te fait dire ça ?”

Joan pointa du doigts les traces, la salve de feuille, l’alternance de traces de pas et de traînée.

“On l’a entraperçu plusieurs fois. C’est jaune, c’est gros. Ça lacère. Ce ne sont pas des griffes mais des lianes et des feuilles qui font ces marques.”

Neige leva un sourcil, inquisitrice.

“Mais pour laisser des marques pareilles, il doit être gigantesque...”

Joan sourit.

“On va pouvoir y mettre le feu.”

Le silence se brise un instant pour une nouvelle salve de feuilles acérées. Mais le couvert de la brume agit dans les deux sens, et le tir est complètement raté. Ce qui vous donne une indication générale de la localisation de votre proie. Ou de votre prédateur. Les concepts dépendent du point de vue. Une première flèche enflammée traverse la brume pour disparaître. Toc. Un arbre, mais assez de peur pour entendre le Pokémon se déplacer d’arbre en arbre.

La poursuite se poursuit, et la brume semble descendre de plus en plus. Vous vous enfoncez de plus en plus dans les marais de Yuuren, et la sortie semble de plus en plus loin. En plus que le chemin pris pour en arriver jusqu’à votre proie était très aléatoire. Mais le retour, vous y songerez plus tard.

En pleine course, quelque chose (Bonne réponse !)  tombe de l’épais brouillard, et se retrouve entre vous. Neige d’un côté du sentier, Joan et Anna de l’autre. Et l’énorme fleur semble en avoir assez de la poursuite. Pour elle, l’heure du lunch a sonné. Et grosse comme elle est, vous ressemblez, à ses petits yeux vicieux, à de petits moucherons bien en chair, bien savoureux.

Ses lianes sortent, vous maintiennent à distance. Si l’une d’entre elle vous fouette, vous pourriez bien devenir unijambiste.

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Neige jeta un regard dégoûté au gamin à moitié dévoré. Anna manqua de vomir. Mais Joan avait vu juste. L’énorme plante carnivore se laissa tomber lourdement des branches et coupa la compagnie Manaus en deux. Loin de se laisser démonter, un éclair rageur dans le regard, Joan alluma une flèche et se mit à bander son arc.

“Je vais le faire cramer. Anna, couvre-moi !”

Anna resta un moment, indécise, un peu effrayée, puis sortit une flasque de poison, couru sur la droite du monstre et la balança. La flasque s'écrasa sur la peau du monstre en une gerbe putride. Aucun effet.

“Ça ne lui fait rien !”

L'Empiflor s'apprêtait à attaquer, c'était évident, et Neige sentit que Joan allait passer un sale quart d'heure. Elle se lança en avant, en hurlant :

“Joan ! Attention, elle attaque !”

Joan vit venir les lianes mais ne se stressa pas pour autant. Elle banda son arc posément et tira.

“Tsk.”

Elle tira sa flèche en directement de l’énorme monstre et roula sur le côté. Un peu tard, malheureusement, pour éviter l'attaque du monstre.

La diversion de Neige semblant fonctionner : l’Empiflor dominant hésita avant de frapper Joan, se retourna regarda Neige, indécis.

“Il hésite ! Profitez-en !”

Anna n’hésita pas une fraction de seconde. Se saisissant d’un flacon de poison à sa ceinture elle bondit en avant et le jeta dans la bouche de l’Empiflor, qui l’avala malgré lui. Il faut dire que le machin était principalement constitué d’une bouche. Furieux, une liane zébra l’espace et projeta brutalement Anna au sol, découpant une longue traînée rouge dans son dos.

“Il commence à prendre feu. J’en remets une couche.”, dit Joan en allumant un cocktail molotov.

Elle attendit que le monstre lui tourne le dos et le balança vers le haut, à l’endroit le plus tendre.

Voyant que ses collègues géraient bien la situation, Neige passa en posture haute et fonça en avant, lardant le corps en piètre état du monstre.

L’assaut synchronisé était brutal. Il ne resterait bientôt plus rien de la bête.

“Je lui ai fait avaler le pire poison que j’ai.” dit Anna en se relevant, du sang coulant de la blessure dans son dos, “Il va y passer c’est sur.”

Soudain, se fut le chaos. Un déluge de feuilles tranchante comme l’acier (ou à minima comme une feuille A4, c’est à dire drôlement coupant)  déferla sur le groupe de jeunes femmes. L’Empiflor était furieux. Le cocktail molotov fut fauché en plein vol et explosa sans causer de dégâts. Quant au poison, Anna était à cours de fioles.

“Ça ne lui a rien fait !” cria-t-elle, essayant de dégainer son arc et des flèches, “Il prépare une nouvelle attaque !”

Neige n’avait pas réussi à infliger des gros dégâts et commençait à saigner des différentes coupures.

“Joan ! Il faut vraiment que tu me couvres !”

Joan ne se le fit pas dire de fois. Dégainant rapidement son arc et ses flèches, elle tira trois fois de suite sur l’Empiflor, touchant à deux reprises.

“A un moment donné, la technique du feu va payer.” marmonna Joan en décochant une autre flèche, alors que Neige fonçait à nouveau, katana levé vers le monstre.

Le feu qui était né dans les feuilles de l’Empiflor s’était éteint avec la tempête de feuilles, mais il avait laissé des traces. Largement brûlé, lardé de coups de katana par Neige, et sans doute affaibli malgré tout par les attaques d’Anna, le monstre était mourant.

La blessure dans le dos d’Anna saignait beaucoup et avait pris une couleur inquiétante. La jeune femme ne tenait plus debout. Le déluge de feuilles qui avait suivi la dernière salve de flèche de Joan l’avait mise K.O. : au sol, recroquevillée, elle respirait avec difficulté.

Neige saignait de plusieurs coupures mais elle tenait encore bon, comme Joan qui bien qu’elle ait subi quelques attaques ne semblait pas faiblir le moins du monde. Alors que l’Empiflor commençait à perdre de la vitesse, elle semblait en gagner avec le temps.

“Joan ! On va finir ça vite fait ! Couvre-moi !”

Alors que l’Empiflor préparait une dernière attaque désespérée, Neige se mit en posture haute. Au moment où les lianes fouettères l’air dans sa direction, une flèche de Joan se planta directement dans un oeil du monstre. Il poussa un long hurlement de douleur.

Alors Neige dans un mouvement fluide se glissa en avant et sectionna une des lianes principales de l’animal, avant d’enfoncer profondément son katana dans la chair molle de la chose encore vivante.

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Neige passe sous la garde de l’Empiflor, profitant de son passage furtif pour sectionner la liane de la fleur. L’énorme plante se retourne vers Neige, et cette dernière semble voir sa vie passer sous ses yeux, la bouche béante du Pokémon se dirigeant vers elle. Rapidement. Trop rapidement. Finir dans un estomac, était-ce vraiment sa destinée?

Mais Joan avait déjà tirer sa flèche, atteignant la chair tendre de la fleur jaune. Le feu commence à se répandre, mais s’estompe rapidement, la plante étant humide et pas prête d’être incendiée.

La bouche de l’adversaire atteint enfin Neige, qui ne peut éviter d’être gobée...Sauf qu’elle remarque que les yeux de la plante sont fermées, et l’énorme mâchoire du Pokémon dominant glisse sur Neige avant de s’effondrer au sol. Puis, elle se vide.

Au début, l’air sort de la plante comme une baudruche percée (par le katana), avant que l’acide gastrique du Pokémon sortent en jet de la bouche maintenant au sol. Neige a clairement pris le temps de se sortir de la trajectoire, et les duos regardant brièvement l’ennemi devenir flasque, comme une vieille piscine gonflable en fin de saison estivale. La brume semble de dissipé, ou du moins, remonter vers le ciel.

Mais Anna est au sol, et vous n’avez pas beaucoup de temps avant qu’elle passe dans l’autre monde (ce qui n’est pas fréquent, chez les Spectrums!). Vous pouvez prendre un trophée sur le Pokémon comme preuve de votre victoire, mais ne pouvez lésiner, les gémissements de votre acolyte donnant le compte à rebours

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